Une personne poursuivie pour des mêmes faits peut faire l'objet de deux condamnations distinctes, dans le cadre de l’action en comblement de passif et de la fraude fiscale.
La Cour de Cassation a statue en ce sens.
La solidarité édictée à l'article 1745 du CGI prononcée à l'égard d'un dirigeant coupable de fraude fiscale ne fait pas obstacle à sa condamnation dans le cadre d'une action en comblement de passif intégrant le montant de la dette fiscale.
Cass. com., 5 sept. 2018, n° 17-13.626, FS-P+B+I : JurisData n° 2018-015021 ; Act. proc. coll. 2018, comm. 241, note B. Thullier ; RJDA 2018/11, n° 859, p. 998 ; Bull. Diff. Des entreprises, n° 406/407, p. 8, note M. Dizel
1/ La solidarité fiscale édictée à l’article 1745 du code général des impôts
Aux termes de l'article 1745 du Code général des impôts, la personne pénalement condamnée au titre de l'une des infractions mentionnées aux articles 1741 à 1743 peut être tenue solidairement avec le redevable légal de l'impôt fraudé au paiement de celui-ci et des pénalités.
Le délit de fraude fiscale est défini à l’article 1741 du CGI et peut donner lieuà un emprisonnement de cinq ans et à une amende de 750 000 €, sans préjudice de l’existence de circonstances aggravantes et de peines complémentaires.
La jurisprudence qualifie la solidarité de l’article 1745 du CGI de « mesure à caractère pénal ».
La solidarité fiscale est une mesure pénale en ce sens qu'elle est nécessairement prononcée par le juge correctionnel. Toutefois, pour la chambre criminelle, elle ne constitue pas une peine au sens de l'article 132-1 du Code pénal (Cass. crim., 23 mars 2016, n° 14-88.507, Genet c/ DGFIP
Elle ne présente pas non plus le caractère d'une punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789(Cass. crim., 20 déc. 2017).
Un dirigeant peut- il être poursuivi pour fraude fiscale et pour une action en comblement de passif pour des même faits ?
La Cour de cassation s’était déjà prononcée favorable à cette double condamnation.
L'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action en responsabilité fiscale.Référence : Cass. com., 30 mai 2000, Raffa c/ Trésorier de Florange : Juris-Data n° 002275
Aux termes de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales, lorsqu'un dirigeant d'une société est responsable de manœuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales ayant rendu impossible le recouvrement des impositions dues par la société, il peut être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions. Un dirigeant qui s'était rendu coupable de tels manquements prétendait que, par application de l'article 169, al. 1, de la loi du 25 janvier 1985, la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société interdisait à l'administration fiscale d'exercer à son encontre une telle action. Cet argument est balayé par la Cour de cassation :
«La cour d'appel a retenu à bon droit que la clôture pour insuffisance d'actifs, malgré les conséquences qui s'y attachent à l'égard du débiteur en application des dispositions de l'article 169 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, ne fait pas obstacle à l'exercice par l'administration fiscale, à rencontre du dirigeant de la société en liquidation, de l'action instituée à l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ».
Dans l’arrêt rendu par la Cour de Cassation en 2018, un dirigeant de société a été pénalement condamné pour fraude fiscale à payer une somme de 147 178 € à l'administration au titre de la solidarité fiscale.
La société ayant été mise en liquidation, le liquidateur l'a également poursuivi en responsabilité pour insuffisance d'actif et obtenu une condamnation d'un même montant pour sanctionner la même faute.
Devant la Cour de cassation, le dirigeant avait prétendu, avoir été condamné deux fois à réparer le même préjudice
En l'occurrence, le dirigeant a soustrait la société au paiement de la TVA pour l'année 2002 et au paiement de l'IS pour les années 2002 et 2003.
Il a été condamné pénalement pour fraude fiscale et passation d'écritures fictives. Le juge correctionnel a fait usage de la faculté offerte par l'article 1745 du CGI.
Le dirigeant reprochait au liquidateur d’engager une action en comblement fondé sur une faute de gestion, qui avait déjà été sanctionné par le juge répressif, au pénal.
Il considérait qu’il ne pouvait être condamné à indemniser deux fois le même préjudice.
Le liquidateur avait reproché au dirigeant de d’avoir contribué par une faute de gestion à une augmentation du passif .
L’action en comblement de passif est destinée à faire contribuerle dirigeant à l'insuffisance du passif et sa condamnation intègrera le patrimoine de la société afin d'être répartie au marc-le-franc entre tous les créanciers, dont le Trésor.
La solidarité prononcée contre le dirigeant social en application de l’article 1745 du code général des impôts constitue une garantie de recouvrement de la créance fiscale et ne tend pas à la réparation d’un préjudice.
La part du produit de la condamnation du dirigeant versée au Trésor s'imputant sur le montant de sa créance. Autrement dit, le Trésor pourra faire jouer la solidarité pour le solde restant à devoir par le dirigeant.
Il n'y a donc pas une double réparation du même préjudice.
Il y a donc une coexistence entre la solidarité fiscale et la condamnation du dirigeant en responsabilité pour insuffisance d'actif.
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Joan DRAY
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