La solvabilité de l'emprunteur

Publié le 09/06/2015 Vu 28 336 fois 0
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La directive européenne du 23 avril 2008 en son article 8 fait obligation au prêteur de se renseigner sur la solvabilité de l'emprunteur et de n'accorder le prêt qu'au vu de l'information recueillie quant à cette solvabilité.

La directive européenne du 23 avril 2008 en son article 8 fait obligation au prêteur de se renseigner sur la

La solvabilité de l'emprunteur

La directive européenne du 23 avril 2008 en son article 8 fait obligation au prêteur de se renseigner sur la solvabilité de l'emprunteur et de n'accorder le prêt qu'au vu de l'information recueillie quant à cette solvabilité.

Cependant, la directive ne précise pas les modalités de mise en œuvre de cette obligation.

Cette directive européenne a été transposée par la loi n°2010-737 promulguée le 1er juillet 2010.  

La loi prévoit le contrôle systématique de la solvabilité́ de l’emprunteur.

1.Sur le devoir de mise en garde et le devoir de conseil du prêteur :

Avant d’accorder un crédit à la consommation, l’établissement de crédit a l’obligation :

  • De vérifier au préalable la solvabilité́ de l’emprunteur ;
  • De consulter préalablement le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Pèse donc sur le prêteur une véritable obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur et il ne peut à cet égard se contenter des éléments déclarés par l'emprunteur au titre de ses ressources et charges, mais il doit en vérifier la réalité en sollicitant tout document utile à cette vérification (CA Rennes, 6 févr. 2015 - TI Nevers, 29 janv. 2015).

Le prêteur doit donc toujours agréer l'emprunteur.

En droit positif, la Cour de cassation met à la charge du prêteur un devoir de mise en garde des « emprunteurs non avertis » contre les risques encourus (Cass. ch. mixte, 29 juin 2007).

La banque est donc tenue, à l'égard d'emprunteurs non avertis, d'un devoir de mise en garde sur les risques nés d'un crédit excessif ou inadapté.

La Cour de Cassation définit également, à la charge du prêteur, un devoir de conseil et de mise en garde des établissements de crédit à l'égard de leur client (Cass. ass. plén., 2 mars 2007– Cass. com., 11 déc. 2007).

De surcroit, elle met également à la charge du prêteur un devoir de refus d'accorder un crédit à des emprunteurs déjà trop endettés (Cass. 1re civ., 22 mai 2008).

Ce devoir de mise en garde doit donc aller jusqu'à l'obligation de refuser d'accorder le prêt (CA Rennes, 6 févr. 2015).

Pour réaliser cette mise en garde, le prêteur doit avoir connaissance de la situation de l'emprunteur mais n'a pas, selon la cour d'appel de Rennes, "à vérifier le montant des revenus déclarés par les emprunteurs".

Si le prêteur réussit à rapporter la preuve de cette mise en garde, il a rempli son obligation.

Le prêteur a toutefois d'autres moyens à sa disposition pour corroborer les dires de l'emprunteur et ainsi confondre un emprunteur de mauvaise foi : consulter les comptes si l'emprunteur dispose d'un compte auprès de l'organisme de crédit, demander les bulletins de salaires, les feuilles d'imposition mais surtout le prêteur doit consulter le FICP.

La CJUE (CJUE, 18 déc. 2014 CA Consumer Finance Sac c/Ingrid B et autres) admet que la solvabilité de l'emprunteur soit appréciée à partir de ses propres déclarations, mais à condition que ces informations soient en nombre suffisant et accompagnées de pièces justificatives.

L'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur, à laquelle est tenu le prêteur, peut être effectuée à partir des seules informations fournies par le consommateur.

La CJUE ne va ni jusqu'à exiger que le prêteur vérifie la véracité des documents fournis ni qu'il contrôle la sincérité des déclarations de l'emprunteur.

Pour les contrats conclus antérieurement à la loi de 2010, le prêteur n'avait pas, à l'époque, l'obligation légale de vérifier la solvabilité de l'emprunteur même s'il avait un devoir de prudence et un devoir de mise en garde dégagés par la jurisprudence.

2.En matière de preuve :

Par application du principe général d'administration de la preuve énoncé dans l'article 1315 du Code civil c'est au prêteur de rapporter la preuve qu'il s'est assuré de la solvabilité de l'emprunteur (CJUE, 18 déc. 2014).

3.En matière de sanction :

La sanction est différente sous le régime antérieur à la loi du 1er juillet 2010 et sous le régime de cette loi.

Sous le régime antérieur, la sanction du manquement au devoir de mise en garde est la responsabilité civile, donc l'allocation de dommages intérêts si le devoir de mise en garde n'a pas été respecté (Cass. 1re civ., 26 sept. 2006 – Cass. ch. mixte, 29 juin 2007– Cass. 1re civ., 30 oct. 2007– Cass. 1re civ., 18 févr. 2009).

En droit positif, la sanction de l'absence de vérification de la solvabilité de l'emprunteur est la déchéance du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (C. consom., art. L. 311-48, al. 2).

La sanction sera souvent équivalente en réalité.

Les dommages-intérêts alloués étant souvent calculés en fonction des intérêts dus par l'emprunteur et le juge pouvant moduler la déchéance des intérêts dans la proportion qu'il jugera nécessaire.

La loi du 1er juillet 2010 se montre plus exigeante à l'égard des prêteurs qui doivent rapporter la preuve qu'ils ont effectivement vérifié la solvabilité de l'emprunteur.

4.En matière de crédit immobilier :

La directive « crédit immobilier » du 4 février 2014 consacre la notion de crédit responsable en matière immobilière.

L'objectif est d'aboutir à une responsabilisation du prêteur comme de l'emprunteur afin de lutter contre les excès de l'octroi de crédits immobiliers.

Désormais, le candidat au crédit assume la responsabilité de sa décision d'emprunt tandis que le banquier est contraint de refuser le crédit lorsque la situation l'exige, et ce bien que son devoir de mise en garde ait été satisfait.

Pour le crédit immobilier, on retrouve donc l'obligation de mise en garde comme elle existait pour les crédits à la consommation antérieurement à la réforme de 2010 (Cass. ass. plén., 2 mars 2007).

La seconde manifestation de l'idée de crédit responsable résulte de l'obligation d'évaluer la solvabilité du consommateur.

Pour ce faire, le banquier doit prendre en compte les facteurs pertinents permettant de vérifier la probabilité que le consommateur remplisse ses obligations contractuelles.

Aux termes de l'article 18, § 5, a), « le prêteur accorde uniquement le crédit au consommateur si le résultat de l'évaluation de la solvabilité indique que les obligations découlant du contrat de crédit seront vraisemblablement respectées conformément à ce qui est prévu par ledit contrat ».

Le banquier ne se contente plus d'avertir l'emprunteur sur les risques prévisibles, comme l'exige le devoir de mise en garde.

Il doit dorénavant adopter une démarche active tant par l'évaluation de la solvabilité de son client que par le refus de contracter si la situation l'exige.

L'obligation du banquier se mue alors en une véritable obligation de ne pas contracter.

La directive « crédit immobilier » impose aux États membres de fixer les sanctions en cas de manquement à l'obligation de ne pas contracter du banquier.

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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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