Le nombre d’entreprise en redressement judiciaire ne cesse de s’accroitre en ces temps de crise.
Le redressement judiciaire est une procédure collective ayant pour objet d’assurer la poursuite de l’activité d’une entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
Cette procédure de redressement prévue à l’article 631-1 du Code de commerce, vise donc les débiteurs qui sont dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, et est donc en cessation de paiements.
C’est donc dans cette perspective que l’on peut plus particulièrement s’interroger sur le sort du dirigeant et l’étendue de ses pouvoirs dans le cadre de l’adoption d’un plan de redressement judiciaire.
Le principe est que normalement le ou les dirigeants reste(nt) en fonction en cas d’ouverture d’une procédure collective. Un administrateur judiciaire pourra ainsi être désigné et chargé juste d’une simple mission de surveillance.
Néanmoins, des mesures plus radicales peuvent être adoptées en cas d’adoption d’un plan de redressement : on peut par exemple opter pour un remplacement d’un ou plusieurs, prononcer une expropriation des titres détenus par les dirigeants ou encore une incessibilité judiciaire des titres.
Avant de donner plus de précisions sur chacune de ses mesures, il est d’abord nécessaire de rappeler le champ d’application ratione personae de celle-ci et les modalités procédurales à respecter.
A) Champ d’application ratione personae
- Champ d’application ratione personae
Sont concernés par ces mesures tous les dirigeants de droit, mais aussi les dirigeants de fait qu'ils soient rémunérés ou non, à la condition qu'ils aient cette qualité à la date du jugement d'ouverture (V. CA Paris, 16 juin 1995).
La notion de dirigeant de fait vise tout particulièrement les personnes qui font figure de simples salariés au sein de l'entreprise, mais qui en réalité exercent une grande influence sur son fonctionnement compte tenu des parts qu'elles détiennent
Cependant, il faut préciser que dans les sociétés anonymes, les membres du conseil de surveillance, s'ils s'immiscent dans la gestion seront considérés comme des dirigeants de fait et donc rentre dans le champ d’application de l’article 23 de la loi du 25 janvier 1985.
De plus, il est intéressant de noter que lorsqu’il s’agit d’une entreprise à forme individuelle, la loi ne nous donne aucune précision. Néanmoins, il est logique de penser que si un plan de redressement judiciaire est adopté, le remplacement du dirigeant en l’espèce, ne sera pas envisagé dans la mesure où cela contribuerait à désorganiser l’entreprise.
B) Les mesures possibles
a) Remplacement d'un ou plusieurs dirigeants
L’article 23 de la loi du 25 janvier 1985 prévoit que lorsque la survie de l'entreprise le requiert, le tribunal, sur la demande de l'administrateur, du procureur de la République ou d'office, peut subordonner l'adoption du plan de redressement de l'entreprise au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants.
Cette mesure vise à éviter que l’action du dirigeant nuit aux efforts déployés pour le redressement de l’entreprise. Ce remplacement ne revêt donc pas le caractère d’une sanction affligée à un dirigeant qui aurait commis des fautes de gestion. Le tribunal peut même subordonner l’acceptation d’un plan de redressement au remplacement du ou des dirigeants.
- Les modalités procédurales
L’article 41 du décret du 27 décembre 1985 prévoit que la demande aux fins de remplacement doit être présentée « au plus tard lorsque le tribunal statue sur le plan de redressement de l'entreprise ».
La décision peut donc intervenir à tout moment au cours de la période d'observation.
Si le remplacement des dirigeants est décidé, alors le plan de redressement judiciaire ne sera arrêté qu’une fois ceux-ci remplacés. Si le plan est arrêté sous la condition du remplacement, l'absence de remplacement emportera résolution du plan.
De plus, il est important de préciser que le tribunal ne peut rien imposer, mais peut simplement conditionner l’adoption du plan à l’éviction d’un ou plusieurs dirigeants
Néanmoins, il faut noter que les dirigeants doivent être convoqués par acte extrajudiciaire huit jours au moins avant leur audition. Doivent également être convoqués, en vue de leur audition, l'administrateur lorsqu'il n'est pas demandeur, le représentant des créanciers, les représentants du personnel, ou à défaut de ceux-ci, le représentant des salariés.
Le juge-commissaire doit être entendu en son rapport. L'avis du procureur de la République doit être donné. Le jugement doit être rendu en audience publique.
La décision finale doit être signifiée à chacun des dirigeants impliqués dans l'instance, ainsi qu'aux représentants de la personne morale, à la diligence du greffier. Un avis doit être transmis aux mandataires de justice désignés, au procureur de la République et au trésorier-payeur général.
Enfin, la mesure doit faire l’objet d’une mention au BODACC, au registre du commerce et des sociétés, ou au registre tenu au greffe du tribunal de grande instance pour les personnes morales non commerçantes et au répertoire des métiers pour les artisans.
Enfin il est important de préciser qu’en cas de non-respect des conditions de forme, la procédure pourra être annulée.
B) Expropriation des titres d'associés détenus par les dirigeants
L'article 23 de la loi de 1985 prévoit que le tribunal « peut encore ordonner la cession de ces actions ou parts sociales, le prix de cession étant fixé à dire d'expert ».
L’objectif est d’éliminer l’influence des dirigeants pouvant être exercé par un vote ultérieur au sein de l’assemblée.
Elle devra donc intervenir avant l'expiration de la période d'observation généralement à l'occasion de l'arrêté du plan.
Quant aux titres concernés, la cession forcée ne peut s'appliquer qu'aux actions des sociétés par actions et aux parts sociales des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés de personnes et des groupements d'intérêt économique. Les certificats d'investissement et de droit de vote ne pourront faire l'objet de la mesure.
- Modalités procédurales spécifiques en cas de cession de titres
La procédure sera identique à celle prévue en cas de remplacement d’un ou plusieurs dirigeants.
Néanmoins, un expert doit être désigné pour fixer le prix de cession. Le cessionnaire sera désigné par le tribunal.
De plus, le tribunal ne sera pas obligé de prendre en compte les statuts réservant aux associés un droit de préemption (CA Nancy, 9 juin 1992 : RJDA 1993, n° 164).
La jurisprudence a considéré qu’il fallait publier la cession forcée. Il y aura donc lieu à dépôt au greffe, en annexe du registre du commerce et des sociétés, de deux expéditions de la décision ordonnant la cession forcée des parts ou actions (T. com. Romans, 14 déc. 1987 : Rev. proc. coll. 1989, p. 514, n° 12, obs. B. Soinne).
Enfin, il est important de préciser que le jugement ordonnant la cession forcée des parts sociales d'un dirigeant et autorisant le plan de continuation, s'il ne peut être attaqué par le dirigeant concerné, peut être cependant contesté pour la partie qui lui fait grief et touche à son droit de propriété, à défaut de disposition formelle restreignant en l'occurrence le droit d'appel des parties (CA Grenoble, 12 janv. 1988 : RJ com. 1988, p. 189).
C) Incessibilité judiciaire des titres et privation du droit de vote
Enfin, l’article 23 de la loi de 1985 prévoit que le tribunal peut aussi en cas d’adoption d’un plan de redressement « prononcer l'incessibilité des actions, parts sociales ou certificats de droit de vote détenus par un ou plusieurs dirigeants... et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet ».
- Modalités procédurales spécifiques
La décision d'incessibilité prévue par l'article 23 peut être demandée par l'administrateur, le procureur de la République, ou intervenir d'office.
Le prononcé de l'incessibilité doit intervenir au plus tard au jour où le tribunal statue sur le plan de redressement puisque l'adoption de celui-ci en dépend.
On rappellera que l'incessibilité judiciaire des parts ou actions est normalement assortie d'une mesure d'accompagnement qui lui donne son effectivité : la privation du droit de vote.
Si le tribunal prononce l’incessibilité des parts ou actions, alors ce dernier désignera un mandataire de justice ou un administrateur qui devra exercer les droits de vote pendant une certaine durée.
De plus, il faut savoir que ces mesures peuvent donc durer pendant toute la période d'observation et s'étendre à celle d'exécution du plan de redressement.
Enfin, toute cession faite par les dirigeants en contradiction avec un jugement rendu par le tribunal, sera considéré comme irrégulière et sera donc frappé de nullité.
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Joan DRAY
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