Suppression par l'employeur de la possibilité de travailler à domicile
Le télétravail est encadré par les articles 1222-9 à 1222-11 du Code du travail.
Ce terme désigne « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci » (article 1222-9 ibid)
Il ressort de cette définition que le télétravail est caractérisé par sa régularité mais aussi, et surtout, par l’accord du salarié. Dès lors, l’employeur ne peut lui imposer cette forme de travail, il y a une liberté de choix du salarié. (Cass.soc., 4 avr.2004)
Une fois que les parties ont convenu d’une exécution de la prestation de travail par le salarié à son domicile, totale ou partielle, la question se pose de savoir si l’employeur peut pendant la durée du contrat de travail, supprimer cette modalité d’accomplissement.
En effet, l’alinéa 3 de l’article précité dispose que « le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail. » ; cela illustre bien la possibilité offerte au salarié de refuser ou accepter le passage au télétravail sans pour autant que cela ait une conséquence sur son statut de salarié. Cependant on ne peut pas en déduire la portée du refus du salarié d’un retour imposé à des conditions de travail plus classique.
En d’autres termes, la cessation imposée de ce mode de travail par l’employeur relève-t’il d’une modification des conditions de l’exécution du travail ou d’une altération du contrat de travail.
Dans le premier cas, cela implique que l’employeur à la faculté d’imposer unilatéralement cette décision, en vertu du lien de subordination propre au contrat de travail. Ce principe implique que le salarié exécute son travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives et d'en contrôler l'exécution.
Par conséquent, dans le cadre de ce pouvoir, l'employeur peut proposer des changements des conditions de travail qui ne peuvent être refusés par le salarié, sinon il s'expose à des sanctions, qui peuvent aller jusqu’au licenciement. (Cass.soc., 13 nov.1996)
A contrario, dans le second cas, la modification d’un élément essentiel du contrat de travail ne peut être imposée par l’employeur, mais seulement proposée au salarié concerné. En cas de refus de ce dernier, il appartient à l’employeur, soit de renoncer à modifier le contrat, soit de licencier le salarié. Il doit alors respecter la procédure de licenciement, le préavis et, le cas échéant, verser des indemnités de licenciement. C’est le cas notamment pour un changement de la durée de travail ou une modification de la rémunération.
Un arrêt récent de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 12 février 2014 (n°12-23051) rappelle sa position sur le sujet.
En l’espèce, le contrat d’une salariée employée par une agence d‘audiovisuel prévoyait que celle-ci pouvait travailler de son domicile ou au siège de la société. L’intéressée avait choisi d’exécuter la prestation de travail intégralement depuis son appartement.
Néanmoins elle fut licenciée peu de temps après la signature de son contrat pour avoir refusé de venir travailler directement à l’agence.
Elle a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement.
La cour d’appel a cependant retenu que le licenciement n’était pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les juges du fond ont en effet estimé « qu’au regard de la rédaction de la clause du contrat de travail prévoyant sur un mode purement alternatif l’exercice professionnel des fonctions de l’intéressée » la suppression par son employeur de la possibilité de travailler chez elle n’était donc pas « une modification de son contrat de travail nécessitant son accord, le contrat en question prévoyant cette possibilité d’exercice de fonctions en plusieurs lieux. »
Autrement la cour a jugé que la faculté offerte à la salariée de travailler depuis chez elle, n’était pas une condition essentielle et déterminante de son consentement à la conclusion de son contrat de travail puisqu’elle était supposément avisée que son employeur avait la possibilité de l’obliger a venir travailler à l’agence, malgré son choix d’effectuer la totalité de son travail depuis chez elle.
Conformément à sa position depuis un arrêt du 4 avril 2004, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au visa des articles 1134 du Code civil et L.1222-1 du Code du travail et jugé que lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, « l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l’accord du salarié. »
Son raisonnement repose essentiellement sur deux principes.
Le premier étant l’obligation pour les parties d’exécuter le contrat de bonne foi conformément à l’article 1134 du Code civil.
Dès lors, si celles-ci ont convenu que la salariée exécuterait la totalité de son travail depuis son domicile, il ne peut y avoir une suppression unilatérale de ce fonctionnement par l’employeur.
Le second est fondé sur le 4e alinéa de l’article L.1222-1 du Code du travail qui dispose que « le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. »
Par conséquent, les parties sont supposées avoir établi les modalités d’un retour dans des conditions de travail plus classique. A défaut, l’employeur doit impérativement recueillir le consentement de son salarié, son refus ne peut être une cause valable de licenciement.
Pour conclure, il faut mettre en perspective cette position de la Cour régulatrice avec le régime usuel du changement du lieu de travail qui relève de la modification des conditions de travail pouvant être imposé par l’employeur eu égard au lien de subordination avec son employé. (Cass.soc., 16 déc. 1998).
Ainsi, le travail à domicile déroge à ce régime, en ce que sa modification ou suppression est considérée comme une modification du contrat de travail, nécessitant le consentement du salarié.
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Joan DRAY
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