Par un arrêt du 21 janvier 2015, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la cessation d’activité de l’employeur n’a pas pour effet de décharger le salarié de son obligation de non-concurrence.
Il ressort de l’article L.1121-1 du Code du travail que pour être valable, une clause de non concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et donner lieu à une contrepartie financière.
Le Code du travail limite donc la porté la portée de la clause de non-concurrence et prévoit une indemnité afin d’assurer la protection des intérêts du salarié (I).
En outre, la limitation de la liberté de travailler doit être fondée sur un motif légitime qui est le risque concurrentiel du salarié après son départ.
Mais peut-on considérer que ce risque demeure alors que l’entreprise a cessé son activité ?
La Cour de cassation apporte une réponse positive (II).
I – La protection des intérêts du salarié
- Le maintien de la possibilité de travailler :
La clause de non-concurrence, par ses modalités, ne doit pas se transformer en une impossibilité pour le salarié de retrouver un emploi.
Ainsi la Cour de cassation juge que : « une clause de non-concurrence peut valablement interdire toute activité dans une entreprise concurrente, dès l'instant […] qu'elle n'empêche pas le salarié de retrouver un autre emploi, compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelle » (Cass. soc., 18 déc. 1997, n° 95-43.409).
La clause doit donc laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre.
Ainsi, la clause de non-concurrence qui interdisait au salarié d'entrer au service, en France et pendant un an, d'une entreprise ayant pour activité principale ou secondaire la vente au détail de vêtements et matériel de sport grand public était illicite (Cass. soc., 18 sept. 2002, n° 99-46.136).
- La limitation dans le temps et dans l'espace :
La chambre sociale a auparavant admis la licéité d’une obligation de non-concurrence illimitée dans le temps dans la mesure où elle interdisait l'exercice immédiat d'une activité concurrente dans la même ville justifiant ainsi l'allocation de dommages-intérêts (Cass. soc., 2 févr. 1994, n° 89-41.274).
Toutefois, la limitation dans le temps est aujourd'hui, en soi une condition de validité de la clause de non-concurrence, car le juge aura tendance à annuler les clauses prévoyant une durée excessive.
Si le contrat de travail est régi par une convention collective, il faut se reporter à celle-ci afin de savoir si elle comporte une limitation dans le temps.
En outre, l’obligation de non-concurrence doit être limité aux lieux géographiques dans lesquels le salarié, du fait de son activité nouvelle, est susceptible de concurrencer son employeur.
- La contrepartie financière :
Depuis une série d'arrêts du 10 juillet 2002, pour être valable, une clause de non concurrence doit donner lieu à une contrepartie financière (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-45.135).
Dès lors que la clause de non concurrence a vocation à s'appliquer et que l'employeur n'y a pas renoncé, il est donc obligatoire de verser au salarié une contrepartie financière.
Si l'employeur ne verse pas l'indemnité de non concurrence alors qu'il y est tenu :
- le salarié est libéré de son obligation et peut donc entrer au service d'une société concurrente (Cass. soc., 5 oct. 1999, no 97-42.999) ;
- s'il a respecté la clause, il a droit au paiement de la contrepartie pour la période pendant laquelle il a respecté son obligation, il peut également prétendre à des dommages et intérêts (Cass. soc., 25 févr. 2003, no 00-46.263).
II - Le maintien de l’exécution de la clause en cas de cessation d’activité de l’employeur
En ayant pour objet d’interdire l’exercice par le salarié d’une activité, la clause de non-concurrence tend à prévenir le risque concurrentiel que le salarié représente pour l’employeur au terme de la relation de travail.
La Cour de cassation juge donc que l'employeur ne peut se prévaloir d'une clause qui : « n'était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise » (Cass. soc., 14 mai 1992, n° 89-45.300).
Pour apprécier la validité de la clause, il y a donc lieu de tenir compte des caractéristiques de l'emploi du salarié.
Ainsi, la clause n'était pas indispensable à la protection de l'entreprise en présence d'un « salarié (qui) occupait un emploi subalterne et... n'avait pas accès à des informations spécifiques ou à caractère confidentiel susceptibles de constituer un trouble dans l'exercice normal de la concurrence pour son ancien employeur » (Cass. soc., 13 janv. 1999, n° 97-40.023).
Il semble que cet intérêt fasse défaut lorsque l’employeur cesse toute activité, en raison de l’absence de tout risque concurrentiel.
Toutefois, l’existence d’une contrepartie au profit du salarié fait obstacle à toute remise en cause de la clause : si l’intérêt de l’employeur à l’exécution de la clause a disparu, il n’en est rien du salarié.
C’est pourquoi la jurisprudence énonce que l’exécution de la clause de non-concurrence est invariablement maintenue :
- en cas de cessation volontaire d’activité (V. Soc. 5 avr. 2005, n° 02-45.540), en l’espèce la dissolution volontaire de la société, ou,
- en cas de cessation involontaire, résultant notamment de la mise en liquidation judiciaire de l’employeur (V. Soc. 14 nov. 1990, n° 87-45.103).
Ainsi, la cessation d’activité de l’employeur ne prive pas la clause de non-concurrence de ses effets, le salarié restant tenu de l’exécution de son obligation et l’employeur de lui verser la contrepartie pécuniaire convenue.
En effet, la cessation d’activité ne prive pas nécessairement de tout intérêt la clause de non-concurrence, car l’activité développée par le salarié après la fin de la relation de travail peut très bien affecter directement la valeur patrimoniale du fonds de commerce.
En conséquence, seule une renonciation de l’employeur ou un accord des parties seraient en mesure d’empêcher la prise d’effet de la clause de non-concurrence.
Par un arrêt du 22 janvier 2015, la Cour de cassation reprend cette solution dans le cas d’une liquidation judiciaire mais apporte une précision quant au paiement de la contrepartie financière (Cass. soc. 21 janv. 2015, FS-P+B, n° 13-26.374).
En l’espèce, le contrat de travail de la salariée a pris fin le 20 avril 2011 et le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de l’exploitant du commerce dans lequel elle travaillait le 27 septembre 2011.
La chambre sociale de la Cour de cassation juge au visa de l’article 1134 du code civil, que : « la clause de non-concurrence prenant effet à compter de la rupture du contrat de travail, la cessation d’activité ultérieure de l’employeur n’a pas pour effet de décharger le salarié de son obligation de non-concurrence ».
Elle ajoute qu’il appartient aux juges du fond d’examiner la demande en paiement de la contrepartie financière « au prorata de la durée d’exécution de l’obligation de non-concurrence ».
Le « prorata » auquel se réfère la Cour doit tenir compte de l’exécution, par les deux parties, de la clause de non-concurrence antérieure à l’inexécution fondée sur la cessation d’activité de l’employeur
L’obligation de paiement de la contrepartie pécuniaire est ici à exécution successive, ce qui suppose de vérifier si le salarié a correctement exécuté sa propre obligation selon la périodicité convenue, faute de quoi la contrepartie pourrait être indue.
Il revient donc au salarié de demander ultérieurement le paiement de la contrepartie pour la durée restante d’exécution de la clause et ce, au fur et à mesure qu’elle devient exigible.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm
Joan DRAY
Avocat à la Cour
joanadray@gmail.com
76/78 rue Saint-Lazare
75009 PARIS
tel:09.54.92.33.53
FAX: 01.76.50.19.67