Dans une décision du 23 octobre 2014, la Cour d’Appel de Paris affirme qu’il ne peut être renoncé à la tacite reconduction en cours, en signant, un nouveau bail avec un loyer majoré qui enfreint la loi prévoyant une réévaluation du loyer uniquement en cas de sous-évaluation manifeste.
Nous avions étudié dans un précédent article les causes de renouvellement du bail d’habitation dans leur ensemble.
Au regard, de l’actualité jurisprudentielle, il sera plus spécifiquement des règles encadrant la tacite reconduction.
Dans le bail de droit commun, la tacite reconduction s'opère au terme du bail lorsque le preneur reste et est laissé en possession (C. civ., art. 1738).
La loi du 6 juillet 1989 régissant les baux d’habitation prévoit une solution différente.
Aux termes de l’article 10 de la loi : « Si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement soit renouvelé.
En cas de reconduction tacite, la durée du contrat reconduit est de trois ans pour les bailleurs personnes physiques ainsi que pour les bailleurs définis à l'article 13, et de six ans pour les bailleurs personnes morales ».
I – Les conditions de la tacite reconduction
- Le résultat d’une volonté implicite :
La tacite reconduction dans la loi du 6 juillet 1989 ressort d’une volonté implicite qui consiste pour l'une ou pour l'autre à ne pas donner congé ou, pour le bailleur, à ne pas proposer le renouvellement ou à ne pas obtenir gain de cause dans son congé.
En revanche, dès lors que la volonté de donner congé ou de proposer le renouvellement a été exprimée, la tacite reconduction ne peut s'opérer, sauf en cas d'échec des procédures de congé ou de renouvellement.
Il faut donc de la part du preneur une occupation réelle et effective prolongée au-delà du délai d'expiration du bail, mais il n'a pas de diligence particulière à entreprendre pour obtenir le renouvellement de son contrat.
- La tacite reconduction en raison de la nullité des actes de congé ou d'offre de renouvellement
La tacite reconduction apparaît également comme une sanction, car même si le bailleur a manifesté sa volonté de ne pas renouveler le contrat ou de le renouveler dans d'autres conditions, celui-ci sera reconduit si cette manifestation n'a pas été faite dans les stricts délais et formes prévus par la loi.
En effet, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 pose que le congé ou l’offre de renouvellement ne respectant pas les conditions de forme et de délai légaux est frappé de nullité.
Dans ce cas, l’offre de renouvellement ou le congé irrégulier ne pourront pas faire obstacle à la tacite reconduction.
Cependant, en fonction de l'irrégularité commise, la nullité ne sera pas forcément encourue.
La jurisprudence est très ferme sur l'irrespect de la forme et sur les délais, si le bailleur notifie un congé par lettre simple ou encore s'il ne respecte pas le délai de six mois édicté par l'article 15, la nullité est prononcée automatiquement (Cass. 3e civ., 30 janv. 1996 : Loyers et copr. 1996, comm. 150).
En revanche, les juridictions sont plus permissives concernant les mentions spécifiques requises pour chaque type de congé et le congé ne sera annulé que si l'irrégularité cause grief au locataire (Cass. 3e civ., 21 févr. 1990 : JCP G 1990, IV, 151).
II – Les effets de la tacite reconduction
- La durée du bail
La tacite reconduction s'opère pour une durée déterminée, égale à la durée minimale de trois ans pour les bailleurs personnes physiques et les personnes morales et de six ans pour les bailleurs personnes morales.
Le délai est déterminé en fonction de la personne qui recueille la succession, celle-ci ayant été recueillie par des personnes physiques, la location s'était renouvelée par périodes de trois ans (Cass. 3e civ., 18 mars 1998 : JurisData n° 1998-001317).
Par ailleurs, si le contrat expiré était d'une durée supérieure à la durée minimale (par exemple six ans pour une personne physique) le contrat sera néanmoins reconduit pour la seule durée légale minimale, sans référence à la durée du bail antérieur.
La Cour de cassation avait admis admis, en se fondant sur l'article 1134 du Code civil, c'est-à-dire sur la liberté des parties de renoncer à un texte d'ordre public de protection, que les parties peuvent prévoir une reconduction tacite pour une durée supérieure à la durée légale (Cass. 3e civ., 17 oct. 2007 : RJDA févr. 2008).
La durée du bail reconduit peut être influencée par un changement de qualité du bailleur. Ainsi, un bail initialement consenti pour trois ans sera reconduit pour six ans lorsque l'appartement a été vendu en cours de contrat à une personne morale (CA Montpellier, 1re ch. B, 11 oct. 2005 : JurisData n° 2005-310607).
Cette tacite reconduction intervient au terme du contrat, c'est-à-dire à compter du lendemain à zéro heure du jour de son expiration.
- Le montant du loyer
Le loyer initial du contrat tacitement reconduit sera égal au loyer final du contrat expiré sans augmentation puisque précisément, le bailleur a laissé échapper la possibilité de solliciter une modification du loyer, ou a considéré qu'il n'y avait pas lieu de le faire.
Traditionnellement la tacite reconduction s'opère aux clauses et conditions du contrat expiré qui se trouvent donc elles-mêmes reconduites intégralement et il n'y a pas lieu ici de faire exception à la règle (C. civ., art. 1759).
La question s’est posée en jurisprudence de savoir s’il peut être renoncé à la tacite reconduction en cours en signant un nouveau bail avec un loyer majoré, dans une décision du 23 octobre 2014 (CA Paris, 3e ch., 23 oct. 2014, n° 12/02153)
En l’espèce, un bail a été signé en décembre 2001 pour trois ans, les propriétaires ont consenti au locataire un nouveau bail en décembre 2005, sur le même logement, mais avec une augmentation substantielle du loyer.
La cour d’appel de Paris juge que : « les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 prévoyant la reconduction du bail à défaut de congé régulier, d'ailleurs rappelées dans le bail signé en 2001, sont d'ordre public [et] qu'il ne peut y être renoncé ».
Elle considère que la conclusion du nouveau bail : « enfreint la loi prévoyant une réévaluation du loyer, mais seulement dans le cas où celui-ci était manifestement sous-évalué ».
Il apparait donc que le fait que le locataire ait payé ce nouveau loyer pendant plusieurs années ne peut valoir renonciation de sa part à se prévaloir de la loi du 6 juillet 1989.
En effet, lorsque la modification porte sur le montant du loyer, il est nécessaire de respecter outre une condition de fond – un loyer de départ manifestement sous-évalué par rapport aux loyers pratiqués dans le voisinage – une procédure qui débute par la saisine préalable de la commission départementale et ensuite par la saisine du juge.
En présence d'un ordre public de protection, la renonciation ne peut valoir que tout autant qu'elle a été faite en toute connaissance de cause, ce qui n'était certainement pas le cas dans cette affaire.
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Joan DRAY
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