La teneur de la lettre de motivation du licenciement pour motif économique :
L'employeur qui licencie un salarié pour motif économique se doit d'énoncer dans la lettre de notification du licenciement des faits précis et matériellement vérifiables. A défaut, le licenciement pourrait être considéré sans cause réelle et sérieuse.
Cette motivation fait l'objet de la part des juges, d'un contrôle de plus en plus strict. Il est donc impératif que la lettre de notification du licenciement mentionne d'une part la cause du licenciement (difficultés économiques rencontrées par l'entreprise, la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.), et d'autre part la conséquence sur l'emploi du salarié.
La rédaction de cette lettre revêt une importance particulière dans la mesure où à défaut de respecter les exigences légales, le licenciement sera jugé abusif ou sans cause réelle et sérieuse.
Cet article a pour objet de rappeler les règles qui entourent la lettre de licenciement avant de voir quelques illustrations jurisprudentielles.
1/ La lettre de licenciement :
Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié pour motif économique, il lui notifie le licenciement par lettre recommandé avec accusé réception.
Il convient de rappeler que l’employeur ne peut expédier la lettre de licenciement avant un délai de 7 jours ouvrables à compter de la date prévue de l’entretien préalable.
Le délai est en outre fixé à 15 jours ouvrables en cas de licenciement individuel d’un cadre.
- Sur le contenu de la lettre :
La lettre de licenciement doit mentionner :
- Les motifs économiques invoqués par l’employeur
- la possibilité de bénéficier d'une convention de reclassement personnalisé (CRP), si l'entreprise possède moins de 1000 salariés et que le salarié n'a pas encore donné sa réponse,
- la possibilité de bénéficier d'un congé de reclassement, si l'entreprise possède au moins 1000 salariés
- la possibilité de bénéficier d'une priorité de réembauche pendant un an à dater de la rupture du contrat et les conditions de sa mise en œuvre,
- le solde du nombre d'heures acquises au titre du droit individuel à la formation (DIF) et non utilisées
En pratique, avoir un motif valable de licenciement pour motif économique n’est pas suffisant. Encore faut il que l’employeur l'énonce clairement dans la lettre de licenciement de façon à permettre aux juges d'en analyser le caractère réel et sérieux.
Dès lors, l’employeur doit se montrer vigilant et rédiger clairement et précisément dans la lettre de licenciement les motifs économiques.
- Sur la notion de motifs économiques :
Aux termes de l’article L1233-3 alinéa 1er du Code du travail, le motif économique du licenciement doit comprendre une cause économique qui a des incidences sur l’emploi et le contrat de travail (Cass soc 19 février 2002 n° 00-576 : JurisData n°2002-013383).
Dès lors, l’employeur ne peut se contenter d’une « simple référence à un licenciement collectif pour motif économique » (Cass soc 20 janvier 1993 n°91-41.931).
Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que la lettre de licenciement économique doit énoncer le ou les motifs économiques invoqués par l'employeur à l'appui de la rupture.
Elle doit donc énoncer non seulement la cause économique mais également sa conséquence précise sur l'emploi ou le contrat de travail de l'intéressé.
A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, la Cour de cassation a estimé que la lettre de licenciement répondait à ces exigences puisque la lettre de licenciement précisait bien que les difficultés économiques rencontrées par l'entreprise la conduisaient à procéder à une réorganisation se traduisant par la suppression du service auquel était affecté le salarié et de trois postes de technicien informatique, et qu'après application des règles de l'ordre des licenciements, son licenciement avait été envisagé (Cass soc 12 avril 2012 n°10-27160).
Ainsi, il doit énoncer dans la lettre de notification du licenciement des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
2/ Illustration jurisprudentielle :
- Sur la motivation précise et réelle des faits :
Selon la jurisprudence « la lettre de licenciement qui fait état d’une suppression d’emploi consécutive à une restructuration de l’entreprise est suffisamment motivée » (Cass soc 7 novembre 2007 n° 06-4230).
Cependant, il appartient au juge, au vu des éléments fournis par l’employeur et le salarié, "de vérifier que cette restructuration ou réorganisation destinée à sauvegarder sa compétitivité"(Cass soc 7 novembre 2007 n° 06-4230).
De même, le 16 février 2011, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts concernant le contenu de la lettre de licenciement pour motif économique.
Dans la 1ère espèce, un employeur avait motivé la lettre de notification pour licenciement économique en mentionnant « la baisse significative de l'activité de l'année précédente », ce qui avait pour conséquence la suppression du poste d'un manager commercial.
La Cour de cassation a ainsi rappelé que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer des faits précis et matériellement vérifiables, et jugé que le constat que la lettre de licenciement ne faisait état que d'une simple baisse d'activité sans autre précision ne satisfait pas aux exigences légales (Cass soc 16 février 2011 n° 09-72172).
En revanche, dans la 2nde espèces, les juges de la Cour de Cassation ont estimé que la motivation de la lettre de licenciement, qui faisait état d'une baisse d'activité résultant de la disparition d'un certain nombre de contentieux traités par le cabinet et de son incidence sur l'emploi de la salariée, était fondée sur des faits précis et matériellement vérifiables, ce qui permettait à la Cour de vérifier l'existence de difficultés économiques résultant de cette baisse d'activité (Cass soc 16 février 2011 n°10-10110).
- Sur la notion de motifs économiques :
La Cour de cassation a précisé que « L'énumération des motifs économiques de licenciement par l'article L1233-3 du Code du travail n’était pas limitative, la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement » (Cass soc 16 janvier 2001 : Bull civ 2001 V n° 10).
Par ailleurs, si la cessation d'activité d'une entreprise est une cause économique de nature à justifier le licenciement de salariés, sa propre cause importe peu : « il appartient au juge prud'homal saisi d'un différend né à l'occasion d'un licenciement de se prononcer sur le caractère réel et sérieux des motifs de la rupture du contrat de travail et non sur la cause de la cessation de l'activité de l'employeur » (Cass soc 16 mars 2004 RJS 2004 n° 667 2ème espèce).
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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