La jurisprudence a récemment eu l'occasion d'affirmer que la transformation d'appartements en chambres meublées portait atteinte à la destination de l'immeuble à usage d'habitation (Cour d'Appel de Versailles, 27 janvier 2014, N° 12/01466, Ba. c/ B. : JurisData n° 2014-002867).
En effet, si les copropriétaires ont en principe la liberté de disposition de leurs lots, celle-ci ne s'exerce que dans le respect de la destination de l'immeuble et des parties privatives fixée dans le règlement de copropriété.
I/ L'obligation des copropriétaires de respecter l'affectation de leurs lots fixée par le règlement de copropriété
Au moment de la constitution de toute copropriété, le règlement de copropriété et son état descriptif de division fixent la destination de l'immeuble et celle des parties privatives.
Ils indiquent ce à quoi les lots sont réservés : à l'habitation, à des activités professionnelles, à l'exercice de commerces, à usage de caves, greniers ou garages.
Il peut exister des affectations multiples (lots composés d'emplacements de stationnement en sous-sol, locaux à usage de bureaux ou de boutiques au rez-de-chaussée, logements dans les étages).
Ainsi, dès l'origine, le règlement fixe la destination de chaque lot et les copropriétaires successifs doivent le respecter pour maintenir la destination de l'immeuble.
Le principe est strict : chaque copropriétaire a l'obligation de se servir de ses parties privatives pour l'usage que le règlement de copropriété lui a assigné. Ce principe est posé à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
Le copropriétaire doit donc se conformer à cet usage convenu selon les normes inscrites dans le règlement dès lors qu'elles répondent elles-mêmes aux conditions de validité prescrites par la loi.
La loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne comporte que quelques dispositions succinctes, tendant à protéger les droits des copropriétaires sur leurs parties privatives (articles 8 et 9).
L'article 8 dispose que :
« Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.
Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».
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L'article 9 alinéa 1 dispose que :
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« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».
Le règlement de copropriété a valeur contractuelle, il s'impose donc à tous les copropriétaires et leurs ayants cause.
Ce sont essentiellement les tribunaux qui ont élaboré les normes à appliquer à propos de la destination des parties privatives.
Il existe aujourd'hui une jurisprudence abondante en la matière. Les solutions sont guidées par un pragmatisme, en tenant compte des particularités inhérentes à chaque affaire.
II/ Les applications jurisprudentielles en matière de transformation en chambres meublées
Par un arrêt du 27 janvier 2014, la Cour d'Appel de Versailles a appliqué cette obligation incombant aux copropriétaires de respecter l'affectation des lots dans une affaire où un copropriétaire entendait transformer des appartements en « hôtels studios meublés » avec prestations de services.
Elle affirme en effet que la rotation des occupants de chambres meublées ne correspondait pas à la destination de l'immeuble telle qu'elle résulte du règlement de copropriété (immeuble à usage mixte d'habitation et professionnel, à l'exclusion de toute activité commerciale).
En l'espèce, le copropriétaire avait entrepris des travaux sanitaires pour l'habitabilité des appartements transformés et ce sans autorisation.
Les autres copropriétaires se sont plaint et la Cour d'Appel de Versailles a reconnu la violation des articles 9, 11 et 19 du règlement de copropriété comme des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 en raison des modifications de la destination de l'immeuble et des atteintes manifestes aux droits des autres copropriétaires. Ainsi, la Cour condamne à juste titre la remise des lieux en leur état initial.
Cet arrêt s'inscrit dans une jurisprudence constante. En effet, les juridictions judiciaires ont déjà eu l'occasion de se prononcer sur ce point.
Par un arrêt du 4 janvier 1991, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà jugé que caractérisait une atteinte à la destination de l'immeuble le fait pour une société locataire de sous-louer « à la journée, à la semaine ou au mois des appartements meublés par ses soins, (…) exerçant ainsi dans les lieux une activité de loueur professionnel en meublés, alors que le règlement de copropriété, opposable aux locataires, interdisait dans les locaux à usage d'habitation l'exercice de toute activité commerciale » (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 4 janvier 1991, N°89-10.959).
De même, il a été jugé que des copropriétaires ayant transformé un appartement en studios aménagés et loués à quatre personnes distinctes était contraire au règlement de copropriété qui stipulait que «la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite ». Ainsi, les époux copropriétaires ne peuvent pas valablement soutenir qu'il n'y aurait pas de leur part violation du règlement de copropriété au motif qu'il s'agirait de la location, par un bail unique, d'un appartement entier à plusieurs colocataires alors qu'il résulte du constat d'huissier de justice qu'ils ont transformé l'appartement en studios aménagés et loués à quatre personnes distinctes, ce qui est interdit par le règlement de copropriété (Cour d'Appel de Paris, 7 décembre 2011, N°10/00592, JurisData n° 2011-027920).
Pour finir, la Cour d'Appel de Paris a également jugé que « spécialement, le règlement de copropriété stipule notamment que les appartements ne peuvent être occupés que bourgeoisement ou affectés à l'exercice d'une profession libérale; que la location en meublé n'est autorisée que s'il s'agit d'appartements entiers; que la transformation des appartements en chambres meublées destinées à être louées à des personnes distinctes est interdite; une telle disposition du règlement de copropriété est parfaitement licite; il s'agit de préserver la multiplication du nombre des occupants et en interdisant un mode d'occupation qui n'est pas en harmonie avec le type d'occupation dont l'immeuble fait l'objet » (Cour d'Appel de Paris, 15 octobre 1998, N° 1997/11528, JurisData : 1998-022604).
En conclusion, les tribunaux considèrent que la destination des parties privatives peut être librement modifiée dès lors qu'elle respecte la conformité à la destination générale de l'immeuble et ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires, conformément aux dispositions de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965(Cour de Cassation, 3Ème chambre civile, 5 décembre 2007, N°06-19.550, Cour d'Appel de Paris, 13 novembre 2003).
En effet, les autres copropriétaires disposent d'un à la tranquillité et à la sécurité de chacun, ainsi que le droit à l'intégrité matérielle des parties privatives.
En contrôlant la conformité des transformations à la destination de l'immeuble, les tribunaux veillent en ce sens au bien-vivre ensemble.
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Joan DRAY
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