En principe, les baux commerciaux sont soumis à un statut spécial qui donne droit à plusieurs avantages, tels que le bail de 9 ans et le droit au renouvellement.
Toutefois, les parties peuvent préférer conclure un bail plus court, en dérogeant partiellement ou totalement au statut.
C’est le bail de courte durée, dont la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas être supérieure à deux ans (C. com. art. L 145-5, al. 1).
Ce statut a été créé par le législateur dans l’objectif de permettre aux parties de « s’essayer » avant de conclure un bail commercial, autant pour que le bailleur connaisse le preneur que pour que ce dernier apprécie la qualité de l’emplacement loué.
Ce bail est à durée déterminée, et en l’application de l’article 1737 du Code civil, il cesse de plein droit à l'arrivée du terme, sans qu'il soit nécessaire de donner congé (Cass. 3e civ. 15-3-1972 n° 71-10.482, Altari c/ Picoulet).
-     N’est pas une convention d’occupation précaire
Il se distingue de la convention d'occupation précaire en ce que cette dernière n'est pas limitée dans le temps et peut durer tant que le motif de précarité qui a justifié sa conclusion ne se réalise pas.
La convention d'occupation précaire n'est autorisée qu'à raison de circonstances objectives particulières, celles-ci devant constituer un motif légitime de précarité (Cass. 3e civ. 9 novembre 2004 n° 1170 F-PB, SCI Alcazar c/ Université de Lille III Charles de Gaulle).
Elle est caractérisée par le fait que l'occupant ne peut fonder aucun espoir d'avenir vers la possession de la chose pour la création d'un commerce ou d'une industrie ; la fragilité de l'occupation est donc le critère essentiel de ce type de convention (CA Versailles 12 janvier 1995 n° 94-7406, 12e ch. sect. 2, SCI Les Côtes de Maisons c/ ESUP).
C’est notamment le cas lorsque l’immeuble loué est en situation transitoire (ex : en attente d’expropriation), ou que l’occupation n’est consentie que de façon discontinue et temporaire, aux seuls jours de marché par exemple (Cass. 3e civ. 14 novembre 1973 n° 72-13.043).
L’article L 145-5 le distingue expressément de la location saisonnière également.
-     Pour qu’un bail à courte durée soit régulièrement contracté, les parties doivent en avoir manifesté la volonté.
En effet, la conclusion d’un bail dérogeant aux dispositions du statut des baux commerciaux ne se présume pas. Elle peut en théorie être tacite mais les tribunaux l’acceptent difficilement. Ainsi le seul fait de fixer pour le bail une durée inférieure à deux ans ne suffit pas à caractériser un bail dérogatoire (Cass. 3e civ. 2 février 2005 n° 135 F-PB, Bestaoui c/ SCP Pageot-Laborde-Rome-Plantive-Leroux-Godard).
L’insertion d’une stipulation expresse du bail affirmant clairement le choix des parties d'écarter l'application du statut des baux commerciaux sera donc utile.
-     Les conséquences d’une occupation supérieure à la durée prévue
Contrairement au bail commercial, le preneur d’un bail de courte durée n'a aucun droit au renouvellement de son bail ; à son expiration, il doit quitter les lieux sans pouvoir prétendre à une quelconque indemnité d'éviction.
Les conséquences d’une occupation irrégulière des lieux par le locataire à l’issue du terme prévu sont différentes en fonction de la durée pendant laquelle le locataire a occupé les locaux.
A l'expiration du premier bail dérogatoire conclu pour une durée inférieure à deux ans, les parties peuvent décider de le renouveler ou d'en conclure un nouveau à condition que la durée totale du bail ou des baux successifs n'excède pas deux ans.
Si, à l'expiration du premier bail, le locataire se maintient dans les lieux sans qu'un nouveau bail soit conclu, les règles de droit commun de l'article 1738 du Code civil s’appliquent, et le bail est tacitement reconduit.
Il ne prend fin que par un congé donné par le locataire ou le bailleur en respectant le préavis déterminé par la convention précédente ou, à défaut, par l'usage des lieux.
En cas de tacite reconduction, les parties doivent être vigilantes à ne pas dépasser la limite des deux ans.
Dans le cas contraire, et donc, à l'expiration des deux ans, le locataire reste dans les lieux sans opposition du bailleur, il s'opère un nouveau bail soumis cette fois au statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-5, al. 2).
Cette règle peut être invoquée tant par le locataire que par le bailleur (CA Riom 28 février 2007 n° 06-411).
Il en est de même si le locataire et le bailleur conviennent de renouveler le bail ou d'en conclure un nouveau.
Cette situation a été récemment illustrée par un arrêt de la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 23 mars 2011 n° 10-12.254, Sté Vout's c/ Nouy. BPIM 3/11 Inf. 246).
Un bailleur avait donné à bail à une société un local à usage commercial, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec avis de réception trois mois avant l'échéance.
Plusieurs années s'écoulèrent avant que la société locataire donne finalement congé, avec un préavis d’un mois.
Le bailleur avait alors assigné la locataire en nullité du congé. Il soutenait que, cette dernière étant restée dans les lieux au terme du contrat, il s'était opéré, en application de l'article L. 145-5 précité, un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux, de sorte qu'elle aurait dû donner congé conformément aux règles statutaires, à savoir par acte extrajudiciaire et six mois avant l'expiration d'une période triennale (C. com., art. L. 145-9).
La cour d'appel donne raison au bailleur et le locataire se pourvoit en cassation.
Mais la Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que « qu'à l'expiration du bail dérogatoire initial la locataire était restée dans les lieux, qu'elle y exploitait son fonds de commerce et était inscrite au registre du commerce, et qu'en application de l'article L. 145-5 du code de commerce un nouveau bail, soumis au statut des baux commerciaux, s'était opéré » et qu’en conséquence le congé devait être donné selon les dispositions de l’article L. 145-9, s’appliquant aux baux commerciaux.
Cette solution est conforme aux textes. Si le preneur se maintient dans les lieux à l'expiration du bail dérogatoire, il devient titulaire, en vertu de l'article L. 145-5, d'un bail de neuf ans soumis au statut des baux commerciaux.
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Joan DRAY
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