Travaux prescrits par l’administration à la charge du bailleur

Publié le 24/11/2014 Vu 11 941 fois 0
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Il peut arriver qu’en cours de bail, l’administration impose la réalisation de travaux de mise aux normes ayant pour objet de mettre les lieux loués en conformité avec des règles d’hygiène et de sécurité. De fait, en cas de litige, les conséquences financières afférentes à de tels travaux sont un enjeu important pour les parties au contrat de bail. Ainsi la question de savoir qui aura la charge de leur coût et de leur exécution, dans l’éventualité où ils seraient ordonnés, est au centre d’une jurisprudence fournie.

Il peut arriver qu’en cours de bail, l’administration impose la réalisation de travaux de mise aux normes

Travaux prescrits par l’administration à la charge du bailleur

Travaux prescrits par l’administration à la charge du bailleur

Il peut arriver qu’en cours de bail, l’administration impose la réalisation de travaux de mise aux normes ayant pour objet de mettre les lieux loués en conformité avec des règles d’hygiène et de sécurité.

De fait, en cas de litige, les conséquences financières afférentes à de tels travaux sont un enjeu important pour les parties au contrat de bail. Ainsi la question de savoir qui aura la charge de leur coût et de leur exécution, dans l’éventualité où ils seraient ordonnés, est au centre d’une jurisprudence fournie.

La répartition de la charge des travaux en matière de bail commercial, n’étant pas régit par les statuts des baux commerciaux, c’est le droit commun qui s’applique (A), à défaut de stipulations conventionnelles contraires (B).

A. Les règles légales encadrant la charge des travaux dans un contrat de bail commercial.

Les obligations du bailleur forment un triptyque, dont l’énoncé suit la chronologie de l’article 1719 du Code civil : délivrance de la chose louée, entretien et garantie de paisible jouissance pendant la durée du bail. Le troisième point ne sera pas évoqué ici, n’ayant que peu de rapport avec l’objet de l’article.

La première obligation est, par la nature même du contrat de bail, que le bailleur se doit de « délivrer au preneur la chose louée » (art 1719-1°) et ce en « bon état de réparation de toute espèce » (art. 1720 alinéa 1), autrement dit, le bailleur supporte toutes les réparations, même celles qui par la suite pèseront sur le preneur.

Sa seconde obligation est d’entretenir la chose louée, c'est-à-dire, faire « pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives » (art. 1720 alinéa 2). Alors que l’obligation de délivrance emporte celle de supporter, au moment de l’entrée dans les lieux, toutes les réparations, ce texte impose pour les réparations qui deviennent nécessaires en cours de bail, une répartition entre le bailleur et le locataire.

Du fait de l’obligation de délivrance énoncé par le Code civil dans les articles susvisés, et compte tenu de la destination des locaux, les travaux prescrits par l’administration, sont, sauf stipulation expresse contraire ou disposition d’ordre public contraire, à la charge du bailleur.

A ce titre on peut se référer aux arrêts de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 13 juillet 1994, du 17 avril 1996 et du 10 mai 2001 qui réaffirme ce principe avec constance.

B. La liberté contractuelle d’aménager la répartition des travaux dans un contrat de bail commercial.

Cependant, les règles du Code civil en matière de louage n'étant pas d'ordre public, (en effet, l’article 1720 du Code civil ne l’est pas, cf. l’arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 7 février 1978, Bull. 1978 n° 76-14.214) et, comme énoncé dans l’introduction, aucune disposition spécifique n’organise la répartition des réparations en matière de baux commerciaux, les parties peuvent contractuellement décider de mettre à la charge du preneur toutes les réparations, même celles normalement à la charge du bailleur, à travers des clauses de transfert.

Dans la pratique, force est de constater que le bailleur tente de faire supporter au locataire des travaux qui lui incombent normalement, notamment, les travaux ordonnés par l’administration, qui ne sont pas souvent envisagés lors de la signature du contrat.

La jurisprudence interprète restrictivement ces dispositions, ainsi une clause ambigüe, insérée dans le contrat de bail, le sera toujours dans l’intérêt du locataire conformément à l’article 1162 du Code civil. De fait, elle exige que ces clauses de transfert ne soient pas rédigées en termes généraux, mais au contraire, soient précises et claires.

(A titre d’exemple d’une stipulation contraire expresse validée par le juge, se référer à l’arrêt du 23 juin 1993 de la 3e chambre civile de la Cour de cassation).

C’est ce que rappel la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 21 mai 2014 (n°12/14353), que l’on peut rapprocher d’une autre décision de la même cour du 06 juin 2012 (n°2012-020265).

En l’espèce, une société locataire d’un bail commercial exploitait un hôtel-restaurant-café. Des travaux de mise aux normes étaient imposés par l’autorité administrative. Les mises aux normes n’étant pas effectuées, la fermeture de l’hôtel a été prononcée par arrêté municipal. La société locataire a donc assigné, devant le tribunal de grande instance de Bobigny, ses bailleurs aux fins d’être autorisée à exécuter lesdits travaux à la charge de la société bailleresse. Le tribunal devait donner droit à la société locataire.

Les bailleurs ont fait appel de cette décision en soulevant notamment que le bail commercial mettait à la charge du locataire les travaux imposés par l’administration.

Dans son arrêt, la cour d’appel a jugé que la disposition du bail prévoyant que le preneur « doit satisfaire à toute les charges de la ville et de police dont les locataires sont ordinairement tenus et d’en acquitter le montant dans le cas où ces charges viendraient à être converties en argent » ne vise que les conditions d’exploitation de fonds et impose à l’exploitant de se conformer à la législation applicable mais n’a pas pour effet de transférer la charge des travaux de mise aux normes au preneur.

Elle en déduit donc que le preneur est bien fondé à demander la condamnation du bailleur à payer le coût des travaux de mise aux normes de la partie hôtel.

Pour conclure et résumer cet article, si le contrat de bail ne contient aucune disposition relative à l’identité de la partie en charge des coûts de l’exécution des travaux prescrits par l’administration, c’est au bailleur qu’en revient la responsabilité, conformément aux règles légales.

Autrement, ces normes ayant un caractère supplétif, il est possible pour les parties d’y déroger et de mettre le locataire à la charge des travaux, en incluant une clause de transfert dans le contrat de bail, à condition que celle-ci soit rédigée de telle façon à ce qu’il n’y ait aucune ambigüité quant à sa finalité, sous peine de ne pas être prise en compte par le juge en cas de litige.

Une rédaction précise du bail commercial demeure donc primordiale pour donner aux clauses de transfert de charges leur pleine effectivité et éviter tous litiges futurs entre preneur et bailleur.

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

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Joan DRAY

Avocat à la Cour

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