Le forfait annuel en jours a donné lieu à d’importantes décisions de la Cour de cassation.
A travers ces récents arrêts, la Cour de cassation a voulu faire de la santé du salarié un élément essentiel de la relation de travail et imposer le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des salariés.
Ainsi, dans un arrêt du 29 juin 2011 la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence concernant les forfaits-jours (soc 29 juin 2011 n° 09-71.107).
Si la Cour ne remet pas en cause le principe du forfait jours, elle l’encadre fortement au nom du droit à la santé et au repos du salarié.
En l’espèce, le forfait jour n’était pas valable compte tenu de l’impossibilité pour l’employeur de suivre et contrôler le temps de travail de son employé, alors que l’accord collectif sur lequel se basait son contrat de travail en forfait-jour le prévoyait.
Il en résulte que le système du forfait est possible dès lors qu’un accord collectif étendu et un accord d’entreprise ou d’établissement en permet la mise en œuvre et qu’il prévoit des garanties pour le salarié.
Par ailleurs, l’employeur doit « respecter les stipulations conventionnelles relatives aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés soumis au forfait-jours » dans la convention individuelle conclut avec le salarié concerné.
A cet égard, la Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment précisé qu’ « A défaut d'avoir conclu une convention de forfait en jours, l'employeur ne peut appliquer le système du forfait en jours et la non mention sur les bulletins de salaire des heures accomplies au delà de la durée légale peut être considérée comme du travail dissimulé ouvrant droit à indemnisation » (Soc. 28 février 2012 n° 10-27839).
Cet article a pour objet de préciser les personnes pouvant être soumis à un forfait- jours avant de voire les conditions de validité de ce système de forfait jours.
1/ Les personnes concernées :
Il convient de rappeler que le forfait jour, instauré par la loi Aubry 2 du 19 janvier 2000, est un régime qui consiste à rémunérer les cadres sur la base de jours travaillés dans l’année et non sur un décompte horaire hebdomadaire
A l’origine, ce nouveau mode de décompte était possible pour les cadres qui n’entraient ni dans la catégorie des cadres dirigeants, ni dans celle des cadres astreints à l’horaire collectif de travail .
La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 a étendu ce dispositif aux salariés non cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur temps de travail.
2/ Les conditions de validité :
- 1/ l’organisation d’un entretien annuel sur le forfait jour :
Aux termes de l’article L. 3121-46 du Code du travail, un entretien annuel individuel doit être organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait-jours sur l’année.
Il porte sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelles et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
L’entreprise doit s’assurer que le forfait-jours permet au salarié de concilier « vie professionnelle et vie personnelle et familiale »
Si l’employeur s’affranchit de cet entretien, le salarié pourrait prétendre à ce que le forfait jour lui soit inopposable et ainsi demandé le paiement de ces heures supplémentaires.
- 2/ Une durée du travail « raisonnable » :
Il convient de rappeler qu’en pratique, les salariés au forfait-jours ne sont pas tenus de respecter :
- La durée légale hebdomadaire de travail de 35 heures
- La durée quotidienne maximale de travail de 10 heures
- Les durées hebdomadaires maximales de travail de 48 heures.
En contrepartie de ces journées à rallonge, le nombre de jours travaillés dans l’année fixé par l’accord collectif ne peut excéder 218 jours.
En effet, l’accord de branche ou d’entreprise peut définir les modalités de suivi et de contrôle de l’activité et de la charge de travail du salarié.
Dans ce cas, les dispositions de cet accord doivent être respectées par l’entreprise.
A défaut, la convention de forfait sera « privée d’effet » (Soc 29 juin 2011 n° 09-71.107).
Encore faut il toutefois, que la convention collective offre les garanties suffisantes pour le salarié.
A cet égard, la Chambre social de la Cour de cassation a privé d’effet une convention de forfait jour au motif que la Convention collective de branche applicable ne prévoyait pas des garanties nécessaires pour le salarié alors même que la convention individuelle prévoyait ses garanties (Soc 31 janvier 2012 n° 10-17593).
A cet égard, depuis la loi du 20 août 2008, la durée annuelle du travail peut être supérieure à 218 jours et ce, dans la limite de la durée annuelle fixée par l'accord ou par la loi (soit 235 jours et avec l'accord tant du salarié que de l'employeur).
Le repos quotidien est de 11 heures et le repos hebdomadaire de 35 heures. Les salariés en question bénéficient des mêmes jours fériés et des mêmes dispositions concernant les congés payés.
En conséquence, il est important que l’entreprise soit en mesure de s’assurer que la durée hebdomadaire du travail est « raisonnable ».
Pour conclure, au regard de la jurisprudence, les conventions de forfait annuel en jours devraient être privées d'effet dans deux hypothèses:
- Soit l'employeur ne respecte pas les dispositions conventionnelles (de branche ou d'entreprise) qui imposent un contrôle du respect de la durée hebdomadaire de travail, du temps de repos et un suivi de la charge de travail (Soc 29 juin 2011 n° 09-71.107).
- Soit la convention de branche elle-même, ou bien l'accord d'entreprise, ne prévoit aucune garantie sur ces points (Soc 31 janvier 2012 n° 10-17593).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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