Principe applicable
Conformément à l’article 1315 du Code civil, c’est à celui qui invoque un droit de le prouver.
C’est au demandeur qu’il appartient de prouver que le défendeur a commandé ou accepté des travaux.
En l’absence d’une telle preuve, il ne peut en obtenir le paiement sur le fondement du contrat qui les lie ou exercer l’action de in rem verso (action fondée sur un enrichissement sans cause).
Réclamer l’exécution d’un contrat suppose non seulement qu’il soit valablement formé, mais aussi que le créancier soit en mesure de le prouver.
Application du principe par la jurisprudence
Ces règles ont été consacrées par la jurisprudence.
Dans un arrêt du 2 novembre 2005, en l’espèce, un garagiste assigne l’une de ses clientes en paiement de deux factures pour des prestations d’entretien et de réparation d’un véhicule.
Malgré l’absence d’écrit, le tribunal condamne la cliente à payer.
Tout en estimant que le devis écrit n’était pas obligatoire à la formation et à l’existence du contrat d’entreprise, contrat consensuel, il le tient pour indispensable afin de déterminer l’existence, l’étendue et la nature des engagements de chacune des parties.
Les juges retiennent la faute du garagiste qui n’a pas subordonné l’engagement des travaux particulièrement importants à un ordre écrit.
Néanmoins, ils en atténuent les effets en estimant que cette faute n’était pas suffisamment grave pour priver le demandeur de son action en restitution fondée sur l’enrichissement sans cause.
Incapable de prouver l’existence et le contenu du contrat d’entreprise, le garagiste se voyait donc ouvrir l’action de in rem verso.
Mais la cliente formant pourvoi conteste la reconnaissance d’une telle action au contractant et, à cette fin, soulève deux griefs à l’encontre du jugement.
D’une part, l’action de in rem verso ne peut pas suppléer la carence probatoire du demandeur ne parvenant pas à établir l’existence et le contenu des engagements contractuels. D’autre part, la faute du demandeur, retenue par le tribunal, fait obstacle à l’action, quel que soit son degré de gravité.
La Cour de cassation accueille le pourvoi en sa première branche.
Visant les articles 1315, alinéa 1er, et 1371 du Code civil, ainsi que les principes de l’enrichissement sans cause, la Cour casse le jugement et rappelle qu’ « il appartenait au garagiste d’établir que la cliente avait commandé ou accepté les travaux effectués sur son véhicule ; qu’en l’absence d’une telle preuve, il ne pouvait obtenir le paiement de ces travaux sur le fondement du contrat qui les liait ou exercer une action “de in rem verso” en faisant abstraction de celui-ci ».
Le garagiste qui réclame paiement des factures doit donc apporter la preuve de l’obligation de payer de la cliente. À cette fin, il lui appartient d’établir l’existence du contrat.
Pareillement, il a été jugé que l’entrepreneur qui réclame le paiement d’un mur qu’il a édifié doit prouver que le client le lui a commandé.
C’est aussi cette règle qui explique que le client n’a pas à prouver l’accord verbal par lequel il n’aurait consenti qu’à la réalisation de certains travaux.
Le client ne doit pas davantage être condamné au paiement de la facture sous prétexte qu’il n’a pas contesté par écrit les réparations. Qui entend se prévaloir du contrat doit donc le prouver.
À défaut d’une telle preuve, le demandeur ne saurait exercer de l’action de in rem verso.
En effet, en raison de son caractère subsidiaire, elle ne saurait suppléer une autre action qu’un obstacle de droit aurait rendue inefficace.
L’enrichissement sans cause ne peut donc être invoqué par l’appauvri qui ne peut pas prouver le contrat ou qui en a dépassé le contenu (Cass. com., 8 juin 1968, n° 66-14.524, JCP éd. G 1968, IV, p. 121).
En somme, si contrat il y a, le créancier doit le prouver. À défaut, l’action de in rem verso lui sera fermée. Il n’y avait donc aucune issue pour le garagiste.
Cas où le prestataire est tenu d’une obligation de résultat
Le prestataire est tenu d’une obligation de résultat c'est-à-dire de l’obligation par laquelle le débiteur s’engage à fournir un résultat déterminé.
Dans un tel cas la responsabilité du débiteur pourra être engagée dès lors que le résultat promis n´est pas obtenu.
Pour se soustraire à sa responsabilité, le débiteur ne pourra invoquer qu´une cause qui ne peut lui être imputée (Force majeure, fait du tiers, du cocontractant etc.).
Dans un arrêt du 25 mai 2005, la Cour de Cassation est venue apporter une précision concernant l’étendue de la prestation du garagiste.
En l’espèce, M. Pages a confié un véhicule automobile à M. Comuset, exploitant un garage, pour le réparer conformément à un devis accepté d'un montant de 4 992,14 F.
Après avoir réparé le véhicule, M. Comuset a émis une facture de 10 765,59 F que M. Pages, qui avait versé une somme de 5 000 F à titre d'acompte, a refusé de régler.
M. Comuset l'a assigné en paiement de la somme de 5 765,59 F correspondant au solde restant dû sur cette facture.
Il invoquera que, s'il a exécuté telle ou telle réparation, c'est en raison de son obligation de résultat.
La Cour de Cassation avait estimé que l'obligation de résultat ne se rapporte qu'aux travaux commandés, et le problème est donc un problème de preuve.
Le garagiste avait outrepassé les termes de la commande, sans doute avec le secret désir de faire monter son chiffre d'affaires, et il n'y avait aucune bonne raison de lui permettre, pour parler familièrement, de retomber sur ses pieds au moins partiellement (Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n° 03-13.534, F-P+B, Pages c/ Comuset : Juris-Data n° 2005-028528).
L'appauvrissement était imputable à la faute du garagiste, lequel ne pouvait réclamer à son client aucune indemnité en raison de l'enrichissement dont celui-ci a bénéficié.
Ainsi, il apparait au regard de la jurisprudence que :
- le garagiste est tenu d’établir que le client a commandé ou accepté les travaux effectués sur son véhicule. En l’absence d’une telle preuve, il ne peut obtenir le paiement de ces travaux.
- l’obligation de résultat ne concerne que les travaux commandés.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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