La Cour de cassation, par un arrêt du 21 octobre 2014 a retenu la réticence dolosive du vendeur qui cache à l’acheteur l’extension illicite de sa maison.
Le dol s'apparente à l'erreur en ce sens qu'il suppose un consentement donné librement, mais sur la base de fausses informations.
Le dol s'apparente également à la violence en ce sens qu'il suppose un consentement obtenu au moyen d'un comportement fautif de l'un des contractants, caractérisé ici par des manoeuvres, un mensonge ou une simple réticence.
Aux termes de l'article 1116 du Code civil : "Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté".
Ce vice du consentement est fréquemment évoqué par l'acquéreur à la suite d'une vente immobilière, pour autant la caractérisation du dol répond à des conditions strictes dégagées par la jurisprudence.
I – Le domaine du dol
Le dol est établi lorsqu'une partie a réalisé des manoeuvres qui ont déterminé le consentement de son cocontractant.
- Les manoeuvres :
La notion de manoeuvres frauduleuses suppose une action positive destinée à abuser le cocontractant.
Il s'agit de la mise en oeuvre de moyens techniques ou juridiques pour dissimuler un fait, généralement l'une des caractéristiques de l'immeuble vendu, ou au contraire faire croire à son existence.
La Cour de cassation a récemment considéré que constitue une manoeuvre dolosive l'annexion d'un bail à la promesse de vente alors qu'aucune location n'est en cours au jour de la signature de l'acte authentique, lorsque l'occupation par un locataire au jour de la vente est une condition substantielle du consentement de l'acheteur (Cass. 3e civ. 11 Fev. 2014 n° 12-29.986).
- Le mensonge :
Le dol peut se caractériser par un mensonge, le vendeur va travestir la vérité.
Il est admis qu'un simple mensonge, même sans machinations, c'est-à-dire non appuyé d'actes extérieurs, peut constituer un dol (Cass. 3e civ. 6 nov. 1970).
En matière immobilière, la Cour de cassation considère que les manoeuvres frauduleuses sont notamment caractérisées par l'insertion d'énonciations mensongères dans un acte authentique.
Le mensonge peut porter sur la situation matérielle, mais aussi juridique du bien.
Le dol peut être retenu au motif que le vendeur a donné des informations inexactes sur la surface du bien (CA Paris 14-10-1999, 2e ch. B).
En revanche, la seule insistance, manifestée par de fréquentes démarches pour convaincre l'autre partie de vendre un bien, n'est pas constitutive d'une manoeuvre dolosive (Cass. com. 2-6-1981 : Bull. civ. IV n° 259).
Le mensonge peut caractériser à la fois la faute civile de dol, justifiant ainsi la nullité de l'acte, et l'infraction pénale de pratique commerciale trompeuse (C. consom. art. L 121-1).
- La réticence dolosive :
Le dol peut résulter d'une simple réticence, en l'absence même de tout acte positif (Cass. 3e civ. 15 janv. 1971).
L'obligation de contracter de bonne foi impose en effet aux cocontractants de s'informer mutuellement et complètement des caractéristiques du bien et de l'opération dans sa globalité.
Tout manquement à cette obligation, c'est-à-dire toute omission d'informer son cocontractant, peut, si elle est intentionnelle et déterminante pour la victime , entraîner la nullité de la convention pour dol.
La réticence peut porter sur la situation matérielle du bien vendu, mais les vices physiques étant généralement visibles, la rétention d'information portera le plus souvent sur la situation juridique du bien.
Ainsi, commet un dol le vendeur qui omet de prévenir l'acquéreur que le bien vendu est un préfabriqué et non une construction traditionnelle (Cass. 3e civ. 19-12-2007 n° 06-19.343).
De même, la nullité pourra être demandée à si le vendeur omet de prévenir l'acquéreur qu'il existe une action en cours tendant à l'annulation du permis de construire (Cass. 1e civ. 12-12-1995 n° 93-21.076).
Dissimuler des informations sur l'environnement situé à proximité du bien peut aussi être constitutif d'un dol, par exemple lorsque le vendeur garde le silence sur l'installation prochaine d'une porcherie (Cass. 3e civ. 2-10-1974 : Bull. civ. III n° 330).
La réticence dolosive dans le cadre d'une vente immobilière a reçu une illustration récente, dans un arrêt de la Cour de casssation (Cass. 3e civ. 21 oct. 2014 no 13-12.433; no 1255 F-D).
En l'espèce, les acheteurs avaient découvert après la signature d'une promesse de vente, que la maison avait fait l’objet de travaux d’agrandissement sans autorisation.
Ils renoncent alors et assignent les vendeurs et l’agence immobilière afin d’obtenir l’annulation de la promesse de vente, la restitution du dépôt de garantie et l’indemnisation de leur préjudice, les vendeurs faisant valoir qu’ils ignoraient la date des travaux d’extension.
La Cour de cassation juge : "qu'ayant constaté que l'extension de la maison était irrégulière et contraire aux prescriptions du plan d'occupation des sols (...), relevé que les consorts X... ne pouvaient ignorer à quel moment était intervenue l'extension illicite de cet immeuble et retenu que les venderesses n'avaient remis cet acte aux acquéreurs que quatre mois après la signature de la promesse de vente, la cour d'appel a pu (...) en déduire que celles-ci avaient commis une réticence dolosive ayant vicié le consentement des époux Y".
Concernant la valeur du bien, la jurisprudence n'admet l'existence d'un dol que si la réticence sur la valeur exacte du bien est accompagnée de manoeuvres dolosives.
Le fait, non pas de dissimuler une information, mais de la délivrer avec insuffisamment de précision peut suffire à caractériser l'élément constitutif du dol.
Ainsi, le vendeur qui informe les acquéreurs de l'existence d'un désordre, mais qui omet d'en préciser l'importance et la cause réelle, commet donc un dol (Cass. 3e civ. 12 sept. 2006 n° 05-17.251).
II – La caractérisation du dol
- L'auteur du dol :
Le dol n'est en principe une cause de nullité de l'acte que s'il émane du vendeur, mais quelques rares décisions de justice ont admis le dol commis par l'acheteur, tel que le fait, pour le maire d'une commune, de s'abstenir de révéler au vendeur l'état d'avancement d'une procédure de révision du plan d'occupation des sols ayant pour effet de rendre le bien acheté constructible (Cass. 3e civ. 29-1-2013 n° 12-11.944).
En principe, le dol commis par un tiers au contrat n'est pas une cause de nullité, sauf s'il est possible de faire état d'une collusion frauduleuse entre le tiers et le cocontractant.
Le dol suppose de démontrer l'intention de tromper, de simples exagérations ne suffisent pas.
Le vendeur doit avoir été informé du caractère déterminant pour son contractant de l'information qu'il lui est reproché d'avoir dissimulée, le plus souvent, la connaissance du caractère déterminant se déduira des faits de la cause, l'information revêtant une importance commune à tout candidat.
- Le dol déterminant du consentement :
Le dol n'est une cause de nullité de la vente que s'il est établi que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Ainsi, dès lors qu'il apparaît que la personne trompée aurait acquis à un prix inférieur si elle avait connu la situation exacte, les juges peuvent annuler le contrat pour dol (Cass. 3e civ. 22-6-2005 n° 04-10.415).
Toutefois, la victime ne peut se prévaloir d'un dol s'il est établi qu'elle connaissait l'information qui aurait prétendument vicié son consentement.
Un vice connu de notoriété publique et de surcroît identifié dans le cahier des charges ne peut pas être invoqué à l'appui d'une demande en nullité pour dol (Cass. 3e civ. 16-1-1970).
La situation personnelle de la victime peut être prise en compte pour déterminer son aptitude, ou au contraire son incapacité, à identifier les manoeuvres utilisées, la qualité de professionnel de l'acquéreur est notamment prise en considération.
En revanche, il n'y a pas lieu de prendre en compte la faute de la victime, le dol est donc cause de nullité même si l'erreur du cocontractant était inexcusable.
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Joan DRAY
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