Vente d'un bien immobilier et délais pour obtenir le prêt par l'acquéreur

Publié le Modifié le 05/06/2014 Vu 41 605 fois 0
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De combien de temps dispose l'acquéreur pour faire les démarches en vue de l'obtention d'un prêt - contrat-clé lui permettant d'accéder à la propriété ? Le vendeur peut-il imposer dans la promesse de vente ou dans le compromis de vente un délai à l'acquéreur pour obtenir ce prêt ? Le législateur a réglementé cette question; imposant un délai minimum à respecter (I). C'est seulement à l'expiration de ce délai que les conséquences de la non-réalisation de la condition suspensive pourront être mises en oeuvre. La jurisprudence est venue étayer ce contentieux (II).

De combien de temps dispose l'acquéreur pour faire les démarches en vue de l'obtention d'un prêt - contrat-

Vente d'un bien immobilier et délais pour obtenir le prêt par l'acquéreur

La plupart des opérations de vente d'un bien immobilier se réalise sous la condition que l'acquéreur dispose d'un prêt octroyé par un organisme prêteur (tiers à l'opération de vente). En effet, bien souvent, l'acquéreur ne dispose pas de la totalité des fonds nécessaires à l'acquisition, il est obligé de contracter un prêt afin de se voir transférer la propriété du bien. 

    Afin de s'assurer du paiement du prix, les vendeurs de biens immobiliers émettent dans les avant-contrats de vente (compromis ou la promesse de vente) une condition selon laquelle l'acquéreur doit justifier de l'obtention d'un prêt - à défaut de quoi, l'avant-contrat sera caduque. 
Ce sont des conditions suspensives, c'est-à-dire qu'elles impliquent la survenance d’un événement précis, futur et indépendant de la volonté des parties.
La non-réalisation de la condition suspensive entraîne la caducité du contrat translatif de propriété. En d'autres termes, si l'acquéreur n'obtient pas le prêt, le transfert de propriété du bien immobilier ne pourra se réaliser.

Dans ce vaste contentieux relatif aux contrats de vente immobilière, un problème récurrent surgit : celui du délai accordé à l'acquéreur par le vendeur pour obtenir le prêt. 

De combien de temps dispose l'acquéreur pour faire les démarches en vue de l'obtention d'un prêt - contrat-clé lui permettant d'accéder à la propriété ? 

Le vendeur peut-il imposer dans la promesse de vente ou dans le compromis de vente un délai à l'acquéreur pour obtenir ce prêt ? 

Le législateur a réglementé cette question; imposant un délai minimum à respecter (I). C'est seulement à l'expiration de ce délai que les conséquences de la non-réalisation de la condition suspensive pourront être mises en oeuvre. La jurisprudence est venue étayer ce contentieux (II).

I/ L'imposition d'un délai légal d'un mois (a minima)

    Si un acte constatant une vente ou une promesse de vente immobilière indique que le prix est payé à l’aide d’un prêt, on considère que cet acte est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du prêt. 

    La durée de validité de cette condition a été posée par le législateur, elle ne peut jamais être inférieure à un mois.

L'article L. 312-16 du Code de la consommation dispose en effet que :

"Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 312-15 (acte écrit ayant pour objet de constater les opérations d'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, y compris les promesses de vente) indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 et la section 5 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. 

La durée de validité de cette condition suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.

Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa du présent article n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. A compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement, cette somme est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié."

Délai minimum

Le délai légal accordé à l'acquéreur pour solliciter un prêt un délai minimum, rien n'empêche le vendeur d'accorder à l'acquéreur un délai plus long.

Point de départ du délai d'un mois 

S'il s'agit d'un acte sous seing privé, le délai commence à courir à compter du jour de l'enregistrement de l'acte à la publicité foncière 

S'il s'agit d'un acte authentique, le délai commence à courir à compter du jour de la signature de l'acte  

Caractère obligatoire 

    Il ressort de la lecture combinée des articles L. 312-16 et L. 312-12 du Code de la consommation que ce délai d'un mois s'impose à tout vendeur lorsque l'opération juridique a pour but l'acquisition en propriété d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation - et ce quelle que soit la qualité de l'acquéreur (personne physique ou personne morale). 

    La Commission des clauses abusives a publié une recommandation (recommandation n° 88-01, 22 janvier 1988 : BOCC, 30 juin 1988) concernant les clauses relatives aux prêts dans les contrats d'accession à la propriété immobilière conclus entre professionnels et consommateurs ou non-professionnels. Partant des dispositions de la loi du 13 juillet 1979, la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats les clauses ayant notamment pour objet ou pour effet d'imposer au consommateur, à peine de déchéance de ses droits, la preuve du dépôt d'une demande de prêt dans un délai insuffisant pour réunir les éléments nécessaires à sa présentation.

La jurisprudence est venu conforter cette protection légale en réaffirmant le caractère d'ordre public de ce texte en déclarant nulles les clauses contractuelles qui stipuleraient un délai inférieur à un mois. 

II/ L'oeuvre prétorienne en matière de délai pour solliciter un prê

    La jurisprudence est venue renforcer protection offerte à l'acquéreur en réaffirmant que l'article L. 312-16 du Code de la consommation est un texte d'ordre public.

    Ce caractère d'ordre public signifie que les parties ne peuvent y déroger par stipulation contractuelle. 

La jurisprudence en a tiré les conséquences en affirmant la nullité des clauses qui stipuleraient un délai inférieur à un mois pour obtenir un prêt par l'acquéreur.

    Tout d'abord, par un arrêt du 28 janvier 1992, la première chambre civile de la Cour de cassation a posé le principe selon lequel l'article L. 312-16 du Code de la consommation est un "texte d'ordre public (qui) ne peut être affecté par la stipulation d'obligations contractuelles imposées par l'acquéreur et de nature à accroître les exigences de ce texte" (Cour de cassation, 1ère civile, N°89-11152; dans le même sens Cour de cassation, 3ème civile, 6 juillet 2005, JCP N°04.13381).  
Toute modification contractuelle de ce délai est contraire à cette disposition d'ordre public et par conséquent, doit être annulée (ou du moins réputée non-écrite par le juge).

Cela signifie que l'acquéreur aura toujours a minima un mois pour effectuer les démarches auprès de la banque afin de solliciter l'octroi d'un crédit.

    Par application de ce principe, il a été jugé qu'était nulle la clause stipulant que "l'acquéreur s'obligeait à faire tout son possible pour faire aboutir la demande de prêt, à constituer son dossier sans retard, à le déposer au plus tard dans un délai de dix jours auprès des organismes financiers, à en justifier dans les 48 heures qui suivront au rédacteur de l'acte, à constituer et à fournir dans le même délai un dossier identique au rédacteur de l'acte afin que celui-ci puisse mener à bien sa mission, enfin à justifier dans les 48 heures de toute offre de prêt reçue ou de tout refus motivé en remettant au rédacteur et au vendeur la copie du document délivré par l'organisme prêteur" (Cour de cassation, 1ère civile, 28 janvier 1992, précité).

    De même, il a été jugé qu'il ne pouvait être imposé aux signataires d'un compromis de vente sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, des obligations contractuelles de nature à accroître les exigences résultant de l'article L. 312-16 du Code de la consommation, notamment en obligeant à déposer le dossier de crédit dans un délai de quinze jours (Cour de cassation, 3ème civile, 6 juillet 2005, précité). 

    Dans un arrêt très récent, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que le vendeur d'un bien immobilier ne peut imposer à l'acheteur un délai de dix jours à compter de la signature du compromis de vente pour solliciter un crédit immobilier.

Cet arrêt précise que la demande adressée à un courtier en prêts de rechercher un prêt auprès des organismes de crédit vaut dépôt d'une demande de crédit auprès d'un organisme de crédit (Cour de cassation, 3ème civile, 12 février 2014, n° 12-27.182, FS-P+B+I, épx G. c/ Evija D. : JurisData n° 2014-002123). 
Un courtier a pour rôle de rechercher auprès des organismes de financements possibles un prêt répondant aux conditions indiquées par l'acheteur; c'est donc un intermédiaire à qui l'on confie la mission de déposer les demandes de prêts au nom et pour le compte de l'acquéreur. 


    En revanche, n'est pas nulle la clause stipulant la déchéance du bénéfice de la condition suspensive d'obtention de prêt pour défaut de présentation de la demande de prêt dans le délai d'un mois, stipulé dans une promesse de vente d'immeuble, dès lors qu'elle n'est pas inférieure à la durée minimum légale de la condition suspensive prévue par ce texte (Cour de Cassation, 1ère civile, 4 juin 1996 : Bull. civ. 1996, I, n° 239).
Cela signifie qu'on peut stipuler une clause aux termes de laquelle l'avant-contrat, et par conséquent la vente, est caduque si l'acquéreur ne présente pas une demande de prêt dans un délai d'un mois. 

    Selon l'alinéa 2 de l'article L. 312-16 du Code de la consommation, lorsque la condition suspensive n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie est immédiatement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit (en ce sens, Cour d'Appel de Rennes, 1ère chambre, 23 mai 1995 : JurisData n° 1995-050979).

    De même, les bénéficiaires de la condition ne sont pas tenus par la clause pénale insérée dans le compromis de vente (Cour de Cassation, 1ère civile, 8 novembre 2007, n° 05-19.341 : JurisData n° 2007-041318).
Une précision doit cependant être apportée sur ce point. Si l'acquéreur peut échapper aux pénalités liées à son désistement du contrat visant la vente du bien immobilier lorsque le crédit n'est pas accordé, c'est toujours à la condition que la volonté de l'acquéreur ne soit pas la cause déterminante et exclusive de cette non-obtention du prêt (en effet, cela deviendrait une condition potestative interdite par l'article 1174 du Code civil).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.


Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm


Joan DRAY
Avocat à la Cour
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