Le vote de la rémunération du gérant d’une SARL

Publié le 30/01/2012 Vu 27 032 fois 0
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Le gérant n'est pas obligatoirement rémunéré, car rien n'oblige les organes compétents à prévoir une rémunération. Ainsi, les fonctions de gérant peuvent être exercées à titre gratuit ou être rémunérées ; cette éventuelle rémunération doit être distinguée du salaire éventuellement perçu par le gérant pour en raison d'un contrat de travail pour des fonctions techniques distinctes exercées au sein de son entreprise. Aucun texte ne contient de disposition sur la rémunération du gérant de SARL. En conséquence, les statuts peuvent donc déterminer librement le mode de fixation de cette rémunération ou en laisser le soin à une décision collective des associés. Lorsque l'assemblée générale a fixé la rémunération du gérant, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de modifier cette décision, sauf si celle-ci est irrégulière ou abusive ; l’étape du vote de la décision est donc décisive. Dans cet article, nous verrons donc d’abord les modalités de la fixation de la rémunération du gérant, avant d’analyser un arrêt récent, relatif à la possibilité pour le gérant d’une SARL de voter sur sa propre rémunération, et d’évoquer les possibilités de contester la rémunération.

Le gérant n'est pas obligatoirement rémunéré, car rien n'oblige les organes compétents à prévoir une rÃ

Le vote de la rémunération du gérant d’une SARL

 

  

Le gérant n'est pas obligatoirement rémunéré, car rien n'oblige les organes compétents à prévoir une rémunération.

Ainsi, les fonctions de gérant peuvent être exercées à titre gratuit ou être rémunérées ; cette éventuelle rémunération doit être distinguée du salaire éventuellement perçu par le gérant pour en raison d'un contrat de travail pour des fonctions techniques distinctes exercées au sein de son entreprise.

Aucun texte ne contient de disposition sur la rémunération du gérant de SARL.

En conséquence, les statuts peuvent donc déterminer librement le mode de fixation de cette rémunération ou en laisser le soin à une décision collective des associés.

Lorsque l'assemblée générale a fixé la rémunération du gérant, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de modifier cette décision, sauf si celle-ci est irrégulière ou abusive ; l’étape du vote de la décision est donc décisive. 

Dans cet article, nous verrons donc d’abord les modalités de la fixation de la rémunération du gérant, avant d’analyser un arrêt récent, relatif à la possibilité pour le gérant d’une SARL de voter sur sa propre rémunération, et d’évoquer les possibilités de contester la rémunération.

 

  • Mode de fixation de la rémunération

 La rémunération du gérant peut être fixée dans les statuts, mais cette méthode rigide est généralement écartée.

Le gérant continue à percevoir les rémunérations convenues même s'il est temporairement empêché d'exercer ses fonctions (Cass. com., 21 avr. 1992).

Outre sa rémunération, le gérant peut percevoir des indemnités et gratifications. Il peut aussi se faire allouer par l'assemblée une indemnité de retraite qui doit être proportionnée à la rémunération antérieure et ne doit pas constituer une charge excessive pour la société.

En cas de blocage de la situation sociale, les tribunaux peuvent fixer la rémunération en raison du travail effectué et des responsabilités encourues (CA Versailles, 20 sept. 1990).

La rémunération comprend généralement plusieurs éléments : un traitement fixe, un intéressement aux bénéfices ou au chiffre d'affaires. Dans ce cas, le retard à percevoir cette part de la rémunération n'implique pas une renonciation (Cass. com., 17 janv. 1989).

En aucun cas, le gérant ne peut s'attribuer une rémunération de son plein gré. Il se rendrait en outre coupable du délit d'abus de biens sociaux s'il prélevait des sommes sans autorisation (CA Paris, 27 févr. 1990).

 

La question de la participation du gérant à la fixation de sa rémunération

Les statuts confèrent le plus souvent à l'assemblée des associés le soin de fixer la rémunération du gérant.

Dans un tel cas, la question se pose de savoir si le gérant peut prendre part au vote.

Il ne le pourrait pas si l'on considère que la rémunération a un caractère conventionnel et qu'elle constitue donc une convention réglementée au sens de l'article L. 223-19 du Code de commerce.

Telle n'est pas la solution pour les SA : il est admis que la rémunération, ayant un caractère institutionnel, échappe à la procédure d'approbation.

Le caractère institutionnel de la SARL autorise un raisonnement par analogie et un arrêt semble s'être prononcé indirectement en faveur de cette thèse (Cass. com., 30 mai 1989) ; c'est aussi l'opinion de la doctrine dominante.

Mais des incertitudes existaient, poussant la doctrine dominante à déconseiller de faire participer le gérant associé à la délibération relative à sa rémunération.

-      La clarification jurisprudentielle

Cependant, un arrêt de la Cour de cassation rendu le 4 mai 2010 est venu garantir au gérant la possibilité de participer au vote sur leur rémunération (Com. 4 mai 2010, n° 09-13.205).

En effet, l’attendu de la Cour de cassation ne laisse pas de doute : « La détermination de la rémunération du gérant de SARL par l'assemblée des associés ne procédant pas d'une convention, le gérant peut, s'il est associé, prendre part au vote » ; et vient trancher enfin question controversée.

Au sein de la société à responsabilité Feu décor, des assemblées des associés avaient approuvé les conventions ayant pour objet la rémunération versée à la gérante, Mme Mauvillain et la prise en charge par la société de ses cotisations personnelles obligatoires.

M. Lacroix, associé, a assigné la société et les deux autres associés, M. et Mme Mauvillain pour obtenir l'annulation de ces cinq assemblées des associés tenues entre 2002 et 2006 et celle des délibérations qui en découlaient.

Il a en outre sollicité la condamnation solidaire des époux Mauvillain à payer à la société certaines sommes au titre de ces conventions.

 Au fondement de ses demandes, M. Lacroix considérait que la rémunération du gérant et la prise en charge de ses cotisations relevaient des conventions conclues avec la société et soumises à l'approbation de l'assemblée des associés.

De plus, en raison de l'interdiction faite au gérant et à l'associé intéressé de prendre part au vote sur ces conventions, leurs parts n'étant pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité, que les délibérations litigieuses étaient entachées de nullité comme ayant été prises par des associés dépourvus de qualité pour voter.

La cour d'appel a retenu « que les dispositions de l'article L 223-19 du Code de commerce ne s'appliquent pas aux conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales, qu'il est de droit que tant le principe que le montant de la rémunération du gérant, de même que la prise en charge des cotisations sociales professionnelles, ainsi que le renouvellement du bail dans lequel le fonds est exploité, à des conditions identiques au bail initial, sont considérés comme des opérations courantes ».

La cour d'appel en a déduit en conséquence que les délibérations des assemblées générales contestées étaient régulières.

 La Cour de cassation confirme cet arrêt et rejette le pourvoi, au motif que « la détermination de la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée par l'assemblée des associés ne procédant pas d'une convention, le gérant peut, s'il est associé, prendre part au vote ».

 La solution est donc désormais parfaitement claire, ainsi vous n’aurez plus à hésiter si vous êtes dans cette situation.

  • Contestation de la rémunération

Cependant, cette solution ne supprime pas tout moyen de contester la rémunération attribuée au gérant.

Ainsi, comme nous l’avons indiqué en début d’article, les tribunaux n'ont pas le pouvoir de modifier cette décision, sauf si celle-ci est irrégulière ou abusive.

La rémunération peut être contestée par les minoritaires qui la trouvent excessive, sur le fondement de l'abus de majorité (CA Versailles, 13 oct. 1988).

La rémunération peut aussi être contestée par le gérant qui la trouve insuffisante sur le même fondement de l'abus de majorité (CA Versailles, 20 sept. 1990).

La fixation de la rémunération par l'assemblée n'est cependant pas une décision de gestion au sens de l'article 64-2 de la loi de 1966 (devenu C. com., art. L. 223-37), justifiant la désignation possible d'un expert de minorité (Cass. com., 30 mai 1989).

Les juges ne sont pas compétents pour substituer leur appréciation à celle des associés, soit que ces derniers aient décidé de ne pas attribuer de rémunération au gérant, soit qu'ils aient fixé une rémunération considérée comme insuffisante (Cass. com., 14 nov. 2006).

La rémunération peut également être considérée comme excessive par l'administration fiscale (CAA Paris, 11 juin 1998).

 Mon  cabinet est à votre disposition pour tous contentieux et conseils.

Joan DRAY
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