La liquidation judiciaire de la société du dirigeant caution comme moyen de défense contre la banque

Publié le Modifié le 29/03/2017 Vu 111 453 fois 158
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Suite au prononcé de la liquidation judiciaire de sa société, quelles dettes sociales le dirigeant caution est-il tenu de payer en exécution de ses engagements de garantie tel qu'un cautionnement ?

Suite au prononcé de la liquidation judiciaire de sa société, quelles dettes sociales le dirigeant caution

La liquidation judiciaire de la société du dirigeant caution comme moyen de défense contre la banque

Un dirigeant ou une société peut être amené à souscrire des contrats de crédit ou obtenir des autorisations de découvert auprès d’établissements bancaires pour exercer et développer leur activité commerciale (achat de fonds de commerce, de parts sociales, de locaux commerciaux, financement de besoin de trésorerie en compte courant, etc ...).

Le cas échéant, le dirigeant doit souvent garantir à titres personnel et solidaire le paiement des dettes de la société qu'il dirige, et ce notamment au moyen d’un acte de cautionnement.

Or, cet engagement bancaire consistant à garantir de ses deniers le payement de la dette sociale en cas d’incapacité financière de la société est risqué financièrement pour le dirigeant caution ou ceux qui s'engagent en tant que telle à ses côtés.

En effet, le cautionnement donné par le dirigeant peut être mis en œuvre suite au redressement et/ou à la liquidation judiciaires de sa société et l’obliger personnellement au paiement de sommes parfois très importantes.

Cependant, selon la jurisprudence, les personnes qui se sont portées caution doivent savoir qu'il existe de nombreux arguments permettant de faire annuler leur engagement.

Aussi, le 4 novembre 2014, la Cour de cassation a refusé de condamner un dirigeant caution au paiement de la totalité de la dette sociale réclamée par l’établissement bancaire (Cass, Com, 4 novembre 2014, n°12-35357).

En l’espèce, une société avait conclu plusieurs contrats de prêt auprès d'une caisse du Crédit Agricole.

Or, la société a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires.

Dans ce contexte, la banque a déclaré sa créance à hauteur de 359.175, 62 euros et a assigné à ce titre le dirigeant caution solidaire de la société en exécution de ses cautionnements.

Alors que la Cour d’appel a condamné le dirigeant caution au paiement de la créance déclarée, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel en jugeant que :

  • d’une part, « (…) en l’absence d’une clause contraire, dont l’existence n’était pas alléguée en l’espèce, la déchéance du terme résultant de la liquidation judiciaire du débiteur principal n’avait d’effet qu’à l’égard de celui-ci et était sans incidence sur la situation de la caution poursuivie en paiement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».  
  • d’autre part, « (…) sans rechercher si ces créances étaient échues le (jour de l’ouverture du redressement judiciaire), la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Autrement dit, si le prononcé de la liquidation judiciaire entraîne l’obligation de payer immédiatement et en sa totalité la dette sociale, à défaut de clause contraire, cette exigibilité de la dette sociale est uniquement opposable à la société débiteur principal et non au dirigeant caution.

En effet, en cas d’appel en garantie, le dirigeant caution est seulement tenu au paiement des dettes exigibles, c’est-à-dire impayées au jour de l’ouverture du redressement judiciaire de sa société, mais encore faut-il que les éléments de preuve produits par la banque soit exempts de critique. 

Pour mémoire, l’article 2290 du code civil dispose que :

« Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.

Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.

Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n'est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale. »

En outre, selon l’article L. 622-22, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, aujourd’hui repris à l’article L.643-1 du même code :

« Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues ».

En l’espèce, en se fondant sur les mêmes textes, la Haute Cour a rappelé les principes selon lesquels :

  • le jugement qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances qui n'étaient pas échues à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ;
  • la déchéance du terme convenu, résultant du prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal, n'a d'effet qu'à l'égard de celui-ci et ne peut pas être étendue à la caution, à défaut de clause contraire.

Ainsi, concrètement, la banque doit établir et justifier à la caution le montant de la somme due par la société sans pouvoir utilement invoquer une déclaration de créances établie dans le cadre de la procédure collective de la société pour s'y référer.

L'analyse des documents produits par la banque peut permettre de découvrir des problèmes de décompte de la créance et que le montant de la somme demandée en paiement n'est pas justifiée.

Au cas d'espèce, grâce à cet argument, le dirigeant caution n’a donc pas été condamné au paiement de la totalité de la créance réclamée par la banque initialement.

Par conséquent, grâce aux règles propres aux procédures collectives, le dirigeant caution peut s’opposer valablement, le cas échéant, à une demande en paiement de la banque d’un montant supérieur à celui de la dette sociale qu’il doit garantir en exécution de ses engagements.

NB : Afin d'approfondir le sujet des moyens de défense dont disposent les cautions poursuivies en paiement par la banque, je vous invite à lire mon article publié ICI.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
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1 Publié par Maitre Anthony Bem
14/01/2017 09:07

Bonjour malgov69,

Soit vous et votre épouse êtes cautions solidaires pour 14000 euros chacun et la banque peut demander jusqu'à 18000 euros sur vous deux ensemble, mais jusqu'à 14000 euros chacun.

Soit vous et votre épouse êtes cautions solidaires pour 14000 euros ensemble et la banque ne peut vous demander que 14000 euros à vous deux ensemble.

Cordialement.

2 Publié par Visiteur
08/02/2017 19:44

bonjour Maitre,
je suis gérant égalitaire salarié d'une SARL, mise en redressement en Nov 2012, un plan d'apurement du passif a été acté en septembre 2013. l'ouverture de la liquidation est prononcée en octobre 2016, avec une première période de 6 mois, soit jusqu'en avril 2017 pour décider de la clôture de la liquidation. la liquidation n'est donc pas encore actée à ce jour.
j'ai signé en 2010 une caution solidaire à hauteur de 36,000 euros auprès de la banque X. celle-ci m'envoie ce jour un courrier me réclamant les 36,000 euros. j'ai bien lu toutes vos infos et vous en remercie. (disproportion, défaut d'information annuelle, ganranties,
j'ai toutefois trois questions techniques :

1- puis-je opposer à la banque que, la liquidation n'etant pas clôturée, leur courrier est prématuré (histoire de gagner 2 mois -ou plus, pour préparer ma défense) ?

2- la caution a été signée le 4 juin 2010 pour une période de cinq ans. nous sommes en février 2017, la caution est-elle toujours valable d'un point de vue calendaire ?

3 - selon le courrier de la banque X, la SARL est redevable de 77,000 euros, donc je suis redevable à concurrence des 36,000 de ma caution, jusque là j'arrive à suivre. mais, les créances évoquées (77,000) ont été refusées au titre du redressement, et acceptées seulement à hauteur de 1,000 euros (pour un pret sur du materiel, pour lequel j'étais aussi caution), car la dette restante (76,000 euros) était née suite à une erreur de la banque X qui aurait du rétrocéder ces 76,000 euros (lorsqu'ils étaient sur le compte de la SARL) à un organisme financier "Y", spécialisé dans l'industrie . Or la banque X n'a pas exécuté les instructions irrévocables de reversement du gérant au profit de l'organisme financier Y, lequel organisme financier Y a vu sa créance révoquée par le mandataire lors de la procédure de redressement, et lequel organisme financier Y s'est retourné vers la banque X pour obtenir le paiement des 76,000. Mais à aucun moment la banque X ne m'a informé avoir versé -en retard et dans le dos du gérant- ces 76,000 euros à l'organisme financier Y, car les fonds n'étaient plus présents sur le compte de la SARL, c'est donc un compte d'extourne, propre à la banque X, qui a servi pour payer la dette à l'organisme Y.

donc la question à 2 étages est:
3a) du fait que la créance de 76,000 a été refusée à l'organisme financier Y, cette dette n'apparait nulle part au plan, il me semble que la caution ne peut être invoquée ?
3b) la banque X est-elle en droit de réclamer à la caution ces fonds , qu'elle à reversés de son propre chef, via son propre compte, post-jugement d'ouverture du RJ, sachant que cette "dette" n'apparait dans aucun des comptes de l'entreprise ?

désolé pour la longueur, mais je ne pense pas être le seul dans ce cas ?

3 Publié par Maitre Anthony Bem
08/02/2017 21:57

Bonjour cmontaf,

1- vous pouvez parfaitement opposer à la banque que, la liquidation n'etant pas clôturée, leur courrier est prématuré.

2- bien que la caution ait été signée le 4 juin 2010 pour une période de cinq ans. et que nous sommes en février 2017, la caution est toujours valable d'un point de vue calendaire car cette période couvre la période de dette et non celle de la prescription de l'action. Il s'agit de deux délais différents.

3 - si les créances évoquées (77000€) ont été refusées au titre du redressement, et acceptées seulement à hauteur de 1000€ euros (pour un pret sur du materiel, pour lequel vous êtes aussi caution), vous ne devez que 1000€

Cordialement.

4 Publié par EL GAOUZI Abdou
11/02/2017 12:36

Bonjour,
Dans une SARL familiale dont la gérance est égalitaire (50% des parts sociales), dont l'ouverture de la liquidation judiciaire a eu lieu avec présentation des dettes principalement sociales, suivi de la nomination par le tribunal d'un liquidateur, que l'annonce est parue au BODAC,
est-ce que la gérance déssaisie au profit du liquidateur, a-elle l'obligation de prévenir le RSI de cette situation ?

5 Publié par Maitre Anthony Bem
11/02/2017 13:59

Bonjour EL GAOUZI Abdou,

Le RSI sera prévenu par le liquidateur.

Cordialement.

6 Publié par EL GAOUZI Abdou
12/02/2017 21:28

Merci Maître
Cordialement,

7 Publié par EL GAOUZI Abdou
12/02/2017 21:41

Bonsoir Maître,
A la clôture de la liquidation judiciaire, après l'annonce parue sur le BODACC le gérant est-il tenu d'informer le RSI de cette clôture ?

Cordialement,

8 Publié par Maitre Anthony Bem
12/02/2017 23:12

Bonsoir EL GAOUZI Abdou,

A la clôture de la liquidation judiciaire de la société, le gérant n'est pas en principe tenu d'informer le RSI de cette clôture mais il le doit pour cesser d'avoir à payer ses cotisations.

Cordialement.

9 Publié par EL GAOUZI Abdou
13/02/2017 00:28

Bonsoir Maître,
Merci pour votre prompte réponse

Cordialement,

10 Publié par Visiteur
27/02/2017 18:00

Bbvv

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