Devoir de mise en garde du banquier à l’égard de l’emprunteur
Civ.1 e, 6 janvier 2011, pourvoi n°F09-70651
La banque qui consent un crédit à un emprunteur, qu’il soit professionnel ou non, a le devoir de l’alerter au regard de ses capacités financières et de son endettement.
Faits
Une antiquaire ouvre un compte courant auprès de la BNP. Après plusieurs découverts, la banque l’assigne en paiement de son solde assorti des intérêts. Lui reprochant de ne pas l’avoir avertie et mise en garde sur l’état de ses finances, la commerçante met en cause la responsabilité de la banque. Elle invoque le bénéfice des mesures protectrices du crédit à la consommation.
Décision
La cour d’appel d’Orléans (22 janvier 2009) écarte la responsabilité de la banque et condamne l’antiquaire à lui payer 10 555 euros avec capitalisation de ses intérêts. Ecartant les dispositions protectrices du crédit à la consommation, la chambre commerciale retient que l’ouverture d’un compte professionnel sous-entend la commune intention des parties de s’engager dans une « opération complexe, autorisant le fonctionnement du compte à découvert ». L’arrêt est cassé partiellement : en se déterminant ainsi, sans préciser si l’antiquaire avait la qualité d’emprunteur averti, et dans l’affirmative, si conformément au devoir de mise en garde auquel elle était tenue à son égard, la banque justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard de ses capacités financières et des risques de l’endettement nés du découvert litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. »
Commentaire
La cour de cassation rappelle tout d’abord que le banquier est tenu à un devoir de mise en garde (à différencier du devoir de conseil préalable à la conclusion du contrat) à l’égard de ses clients, professionnels ou pas. Les juges doivent donc « toujours rechercher si le client professionnel ou profane peut être considéré ou non comme averti » (Civ.1 e, 27 juin 2006). Cela implique que le client a été suffisamment informé par la banque pour être conscient de l’état de ses finances. En l’espèce, l’antiquaire soutenait ne pas avoir donné d’autorisation expresse pour que son compte fonctionne à découvert. Pour la cour, cela reflète qu’elle n’était pas consciente de l’étendue de son endettement. La banque aurait dû l’avertir. Par ailleurs, l’arrêt confirme que les mesures protectrices liées au crédit à la consommation (L311-1 et suivant code consommation) ne sont pas applicables dans le cadre d’un compte ouvert à titre professionnel.
Me DUBOIS Maïlys
Extrait de l'argus de l'assurance parution de vendredi 21 janvier 2011