Procréation médicalement assistée (PMA) et adoption par le conjoint de l’enfant du parent biologique
La loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe avait en effet pour objectif la protection de l’enfant à travers l’adoption par le conjoint.
La PMA n’est pas, en France, ouverte aux couples de femmes puisqu’elle est réservée aux couples hétérosexuels présentant une infertilité pathologique médicalement constatée ou dont l’un des membres est porteur d’une maladie grave susceptible d’être transmise à l’enfant ou au partenaire.
Le TGI de Versailles a retenu que le fait de bénéficier d’une assistance médicale à la procréation interdite en France, pour ensuite demander l’adoption de l’enfant, conçu conformément à la loi étrangère, constituait une fraude à la loi française, et faisait obstacle à l’adoption par l’épouse de la mère biologique de l’enfant. TGI Versailles, 29 avril 2014, n° 13/00168
La Cour de cassation a rendu deux avis du 22 septembre 2014 (avis n° 15011) selon lesquels le recours à la PMA à l’étranger par un couple de femmes ne constituait pas une fraude à la loi et ne faisait pas obstacle à l’adoption par l’épouse de la mère de l’enfant né de la PMA si toutes les conditions légales de l’adoption sont remplies et si celle-ci est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Gestation pour autrui (GPA) et retranscription sur l’état civil
La CEDH a condamné la France en vertu de l'article 8 (droit à la vie privée de l'enfant). Elle a estimé qu'il était contraire aux droits de l'homme de priver un enfant de son identité et s’est référé à l’intérêt de l’enfant. Les États bénéficient d'une marge d'appréciation nationale en ce qui concerne la GPA, mais celle-ci est n’est pas aussi large en matière de filiation.
CEDH, 26 juin 2014, Mennesson contre France – CEDH, 26 juin 2014, Labassée contre France : les quatre requérants avaient eu recours à la gestation pour autrui aux États-Unis. La filiation des pères biologiques ainsi que des parents non biologiques avait été reconnue aux Etats-Unis. Mais, en France, ils se sont vu refuser la transcription de l'acte de reconnaissance étranger par l'administration et les tribunaux français. Le 6 avril 2011, la Cour de cassation a confirmé ce refus, invoquant une fraude à l'ordre public (Civ. 1re, 6 avr. 2011) puisque le recours à la GPA est interdite en France.
Délégation de l’autorité parentale dans un couple homosexuel non marié
En l’occurrence, l’autorisation de la délégation parentale permet une certaine reconnaissance de la situation juridique du couple de femmes, mais ne crée pas de lien de filiation.
La délégation de l’autorité parentale dans un couple homosexuel non marié a été autorisée.
La Cour de cassation avait rappelé dans un arrêt rendu par la Première Chambre civile le 8 juillet 2010 (n° 09-12.623) que si l'article 377, alinéa 1er du Code civil « ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, c'est à la condition que les circonstances l'exigent et que la mesure soit conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. »
Adoption par un couple homosexuel non marié à l’étranger et retranscription sur l’état civil
La CA de Versailles, quant à elle, prononce l’exequatur du jugement rendu au Pays de Galles. Pourtant, comme relevé par la Cour de cassation, l’adoption n’est ouverte qu’aux couples mariés (art 346 du Code civil), or la CA retient que cela ne fait pas obstacle à l’exequatur ; elle tient donc tête à la Cour de cassation.
CA de Versailles, 20 mars 2014, n° 13/03655 :
Un Français et un Anglais vivent en couple sans être mariés. Ils adoptent au Pays de Galles un enfant dont les parents biologiques consentent à l’adoption. Les pères demandent donc l’exequatur de la décision.
Le TGI de Paris refuse l’exequatur le 17 mars 2010, la CA de Paris infirme cette décision le 24 février 2011, et la Première Chambre civile de la Cour de cassation casse l’arrêt de la CA le 7 juin 2012 avant de renvoyer l’affaire devant la CA de Versailles.
« Attendu qu'est contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation, la reconnaissance en France d'une décision étrangère dont la transcription sur les registres de l'état civil français, valant acte de naissance, emporte inscription d'un enfant comme né de deux parents du même sexe » et « Attendu que pour ordonner l'exequatur du jugement étranger, l'arrêt retient que cette décision, qui prononce l'adoption par un couple non marié et qui partage l'autorité parentale entre les membres de ce couple, ne heurte aucun principe essentiel du droit français et ne porte pas atteinte à l'ordre public international, » La Cour de cassation casse l’arrêt de la CA.
Adoption par un couple - conditions
L’adoption n’est pas ouverte aux couples pacsés ni en concubinage.
Adoption plénière : les adoptants doivent être mariés depuis au moins deux ans, ou être mariés et avoir chacun plus de 28 ans, et ne pas être séparés de corps. Autorité parentale conjointe.
Adoption simple : les adoptants doivent être mariés depuis au moins deux ans, ou être mariés et avoir chacun plus de 28 ans, et ne pas être séparés de corps. L’adoption simple donne l’autorité parentale aux adoptants.
Adoption de l’enfant du conjoint : l’adoptant doit être marié au parent de l’enfant. Le parent conserve l’exercice de l’autorité parentale sous réserve d’une déclaration conjointe avec l'adoptant adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.
Demande d’exercice conjoint de l’autorité parentale
CA de Rouen, 3 avril 2014 :
Deux femmes pacsées décident d’avoir un enfant. Elles se séparent. L’ex-partenaire de la mère demande l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Elle est déboutée de sa demande en ce que, n’étant pas mariée à la mère de l’enfant (ce qui empêche l’éventuelle adoption de l’enfant du conjoint) et n’ayant aucun lien biologique avec l’enfant, elle ne peut se prévaloir d’un quelconque lien de filiation et, par conséquent, ne peut en aucun cas détenir l’autorité parentale.
L’ex-partenaire n’aurait pu adopter l’enfant de son conjoint et ainsi éventuellement exercer l’autorité parentale concurremment avec la mère de l’enfant, puisqu’elles n’étaient pas mariées. Elle aurait éventuellement pu introduire une demande individuelle d’adoption simple, mais cela aurait eu pour conséquences de priver la mère de ses droits parentaux sur son enfant biologique.
Adoption de l’enfant du conjoint dans un couple homosexuel non marié
Une affaire avait été portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme avant la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, mais le résultat reste le même dans la mesure où le couple n’est pas marié, ce qui empêche l’adoption de l’enfant du conjoint, donc la création d’un lien de filiation.
CEDH 15 mars 2012, Gas et Dubois c. France, n°25951/07 :
Deux Françaises vivent en concubinage. L’une donne naissance à une fille conçue par PMA avec donneur anonyme en Belgique.
Les deux femmes l’élèvent conjointement puis se pacsent. Elles souhaitent bénéficier du partage de l’autorité parentale : la compagne de la mère entame donc une procédure d’adoption simple devant le TGI de Nanterre, qui rejette la demande aux motifs que l’adoption aurait des conséquences contraires à l’intention des concubines ainsi qu’à l’intérêt de l’enfant : en effet, l’adoption aurait privé la mère biologique de tout droit sur sa fille, ce qui n’était pas souhaité par la mère, et aurait été contraire à l’intérêt de l’enfant.
La cour d’appel de Versailles refuse de légitimer la parenté conjointe sur l’enfant et confirme ce raisonnement, l’article 365 du Code civil ne prévoyant le partage de l’autorité parentale que dans le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint (ce qui était donc impossible à l’époque puisque l’adoption de l’enfant du conjoint n’est possible que pour les couples mariés et que la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe n’avait pas encore été adoptée).
Le couple saisit la CEDH, arguant qu’elles font l’objet d’une discrimination par rapport aux couples hétérosexuels car la loi française ne permet pas aux couples homosexuels d’avoir accès à l’adoption de l’enfant du conjoint, ce qui est rejeté par la CEDH, d’une part en ce qu’une telle adoption n’est ouverte qu’aux couples mariés, ce que le couple n’était pas, d’autre part en ce qu’elle est refusée aux couples pacsés, hétérosexuels ou non.
En résumé :
- seul un couple homosexuel marié peut être considéré comme étant les parents d’un enfant, car l’enfant du conjoint peut être adopté par l’époux ou l’épouse (l’adoption simple de l’enfant du conjoint permet la création d’un lien de filiation et l’exercice de l’autorité parentale conjointe sous réserve de déclaration conjointe devant le greffe du TGI aux fins de l’exercice en commun de l’autorité parentale, et car seul un couple marié peut adopter.
à Avis de la Cour de cassation du 22 septembre 2014 (avis n° 15011) : même lorsque l’enfant du conjoint a été conçu grâce à la PMA.
- dans un couple non marié, homosexuel ou non, l’adoption simple individuelle par le partenaire du parent biologique de l’enfant résulte, non pas en la rupture de la filiation avec le parent biologique, mais en la transmission de l’autorité parentale du parent biologique au partenaire non marié de ce dernier. C’est pourquoi une telle adoption est généralement refusée : la transmission de l’autorité parentale à une personne qui n’est pas le parent biologique de l’enfant n’est pas dans l’intérêt de celui-ci.
à CEDH 15 mars 2012, Gas et Dubois c. France, n°25951/07 : avant que les demandeurs ne saisissent la CEDH, le TGI de Nanterre avait effectivement refusé l’adoption simple du fait des conséquences de celle-ci sur les droits parentaux de la mère biologique, contraires à l’intérêt de l’enfant et au souhait de la mère (conformément à l’arrêt de la Cour de cassation : Cass. 1re civ., 7 février 2008 n° 07-12.948)
- les concubins ou les partenaires pacsés, qu’ils soient homosexuels ou non, ne peuvent pas adopter un enfant ensemble, ni adopter l’enfant du conjoint puisque le couple n’est pas marié. En ce sens, les couples homosexuels non mariés, puisque deux personnes du même sexe ne peuvent avoir chacun un lien de filiation avec l’enfant, contrairement aux couples hétérosexuels où un lien de filiation peut être créé à l’égard des deux parents dès la reconnaissance de l’enfant, ne peuvent exercer conjointement l’autorité parentale.
à CA de Rouen, 3 avril 2014 : deux femmes anciennement pacsées et séparées ne peuvent exercer conjointement l’autorité parentale car un lien de filiation n’est établi qu’à l’égard d’une seule des deux femmes, et que, n’étant pas mariées, l’enfant biologique ne peut être adopté par la partenaire de la mère.
- la délégation de l’autorité parentale ou le partage de l’autorité parentale est possible, mais réduite et encadrée car elle ne peut avoir lieu que lorsque les circonstances l’exigent et donc lorsqu’elle est dans l’intérêt de l’enfant.
à Première Chambre civile le 8 juillet 2010 (n° 09-12.623) : si l'article 377, alinéa 1er du Code civil « ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, c'est à la condition que les circonstances l'exigent et que la mesure soit conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. »
à TGI de Lille, 2005 : autorisé pour un couple homosexuel non marié.