L’INCESTE SUR MINEURS
Coïncidence de calendrier, la gazette du Barreau sur le Thème des « mineurs » est l’occasion pour moi de vous indiquer que la Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux a été adoptée par l’Assemblée Nationale le 26 janvier 210 et vient d’être publiée dans le Journal Officiel n°0033 du 9 février 2010.
Il me semble important de revenir sur les raisons qui ont motivé l’adoption de ce texte et sur ses apports dans notre code pénal.
Cette loi fait suite à une proposition de loi déposée au Parlement par une mission présidé par Monsieur Christian ESTROSI et composée de Monsieur Stephan de NOYES (chef de cabinet de Monsieur Christian ESTROSI), Madame Myriam QUEMENER (magistrat, ministère de la Justice- direction des affaires criminelles et des grâces -sous-directrice de la justice pénale générale), Monsieur François CAPIN–DULHOSTE (magistrat -ministère de la justice- direction des affaires criminelles et des grâces-chef du bureau des politiques pénales générales et de la protection des libertés individuelles).
Cette loi fait suite au rapport de la 3ème Commission de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits de l'enfant qui « prie instamment tous les Etats de promulguer des lois protégeant de l'inceste ».
A l’inverse des codes pénaux du Canada, de la Suisse, de l'Allemagne, de l'Angleterre ou du Pays de Galles, le code pénal français, espagnol et portugais ne définissent pas explicitement l'inceste comme une infraction autonome et ne le visent indirectement qu'au titre de diverses dispositions pénales.
La particularité de cette infraction sexuelle est qu’elle se situe dans le milieu de référence de notre société : la famille.
L'inceste débute généralement tôt dans l'enfance, au moment où l'enfant n'a pas conscience de ce que représente la sexualité, avec pour abuseur un père ou un beau-père, grand-père ou oncle ou frère, et plus souvent qu’on ne le croit par une mère, sur des enfants parfois de moins de 6 mois !
C’est pour toutes ces raisons que la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 apporte 3 innovations.
D’abord, cette loi prévoit l’inscription de l’inceste dans le code pénal, au lieu d’une simple circonstance aggravante pour les viols et les autres agressions sexuelles, et donne une définition de l’inceste. (Article 1 et article 2 de la Loi)
Le nouvel article 222-31-1 du Code pénal dispose que "les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait"
Selon l'article 227-27-2, les infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 sont qualifiées d'incestueuses lorsqu'elles sont commises au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Cette loi précise qu’un mineur ne peut être considéré comme consentant à un acte sexuel avec un membre de sa « famille » et précise la notion de contrainte.
Ainsi, l'article 222-22-1 du Code pénal précise que la contrainte morale résulte, en particulier, "de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits ainsi que de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime", de sorte que la quasi-totalité des actes incestueux commis sur un mineur est désormais réputée commis sous l'emprise d'une contrainte et sera qualifiée de viol ou d'agression sexuelle (et non plus d'atteinte sexuelle sans violence, menace, contrainte ni surprise).
Lorsque l'atteinte sexuelle incestueuse aura été commise par une personne titulaire de l'autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement se prononcera obligatoirement sur le retrait total ou partiel de cette autorité, vis-à-vis de cet enfant, mais aussi sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et sœurs mineurs de la victime.
Ensuite, cette loi comporte des mesures visant à renforcer l’information sur l’inceste, la violence et la sexualité dans le système scolaire et sur les chaînes audiovisuelles publiques et reconnaît la possibilité pour les associations de lutte contre l’inceste de se constituer partie civile. (Article 3 et article 4 de la Loi)
Enfin, cette loi tend à mieux accompagner les victimes en prévoyant notamment qu’un administrateur ad hoc soit désigné dès qu’intervient un signalement d’inceste. (Article 5 et 6 de la Loi)
Le délai de prescription de l'action publique du crime d'inceste ou de viol incestueux est de vingt ans, et ne commencera à courir qu'à partir de la majorité de la victime.
Maïlys DUBOIS
Avocat