LA KAFALA
La Kafala est la prise en charge d’un enfant abandonné par une personne sous sa protection, son éducation et son entretien.
Elle ne créé pas de filiation entre la personne recueillant et l’enfant.
1. Les personnes concernées :
Seuls peuvent se voir accordés la Kafala :
- Les époux musulmans ayant atteint la majorité légale, moralement et socialement aptes à assurer la Kafala de l'enfant, disposant de moyens matériels suffisants pour subvenir à ses besoins, n'étant pas atteints de maladies contagieuses ou les rendant incapables d'assumer leur responsabilité. Ils doivent n'avoir pas fait l'objet, conjointement ou séparément, de condamnation pour infraction portant atteinte à la morale, ou commise à l'encontre des enfants. Ils ne doivent pas être opposés à l’enfant dont ils demandent la Kafala, ou à ses parents par un contentieux soumis à la justice, ou par un différend impliquant des craintes pour l'intérêt de l'enfant.
- La femme musulmane remplissant les mêmes conditions.
- Les institutions publiques chargées de la protection de l'enfance reconnues d'utilité publique, aptes à assurer la protection des enfants et à les élever conformément à l'islam.
2. La procédure :
La partie désirant assurer la Kafala d'un enfant abandonné doit en faire la demande au juge chargé des affaires des mineurs duquel relève le lieu de résidence de l'enfant. La demande doit être accompagnée de justificatifs établissant que la personne remplit bien les conditions exigées et une copie de l’acte de naissance de l’enfant qu’elle souhaite prendre en charge.
Une enquête est réalisée quant à la réunion des différentes conditions après quoi le juge compétent rend une ordonnance confiant la Kafala de l’enfant au demandeur.
3. Les effets de l’ordonnance d’octroi :
L’ordonnance d’octroi de Kafala a les effets suivants :
- La personne assurant la Kafala va être chargée de l'entretien de l'enfant pris en charge, de sa garde, sa protection, jusqu'à sa majorité (18 ans ; sauf le cas de l’enfant handicapé où l’obligation est maintenue).
Ø Si l'enfant pris en charge est une fille, son entretien se poursuit jusqu'à son mariage ou jusqu'à ce qu'elle puisse subvenir elle-même à ses besoins.
- La personne assurant la Kafala devient civilement responsable des actes de l'enfant.
- La personne qui assure la Kafala peut bénéficier des indemnités et allocations sociales allouées aux parents pour leurs enfants.
Le Conseil d’État a souvent assimilée la Kafala à une délégation d’autorité parentale mais sans pour autant considérer qu’elle ouvre automatiquement droit au visa d’entrée. Cependant, la délégation d’autorité parentale n’a pas tous les effets de la Kafala. Par exemple, le délégataire ne peut pas obtenir de concordance de nom comme la procédure de Kafala permet de le faire.
L’assimilation de la Kafala à la tutelle sans conseil de famille est parfois évoquée. Cependant, les effets ne sont une nouvelle fois pas tous les mêmes, notamment s’agissant de la concordance de nom.
La Kafala ne peut pas non plus être transformée en adoption (même s’il existe une véritable résistance des juges du fond) puisque celle-ci n’est pas acceptée des pays pratiquant la Kafala. Il existe une véritable difficulté d’accueil de cette procédure en France car elle ne correspond à aucune de nos institutions actuelles.
4. La concordance du nom patronymique :
La personne recueillant un enfant mineur né de père inconnu par le biais de la Kafala peut faire procéder à la concordance du nom patronymique de l’enfant avec le sien sous réserve de l’accord donné par la mère si cette dernière est toujours vivante (par acte authentique).
La concordance du nom ne s’étend pas à l’établissement d’une filiation. Cela n’ouvre pas droit à la transcription sur le livret de famille.
Si cette décision de changement de nom a été prise à l’étranger, elle s’imposera en France.
Le changement de prénom en dehors de la procédure d’adoption :
Au-delà de cette concordance prévue par la procédure de Kafala, le changement de prénom est envisagé par l’article 60 du Code civil qui prévoit que « Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de prénom ».
S’il s’agit simplement de rectifier une erreur faite lors de l’établissement de l’acte, l’article 99-1 du Code civil prévoit que l’officier d’état civil peut procéder à rectifier les erreurs ou omissions purement matérielles commises.
Le changement de nom en dehors de la procédure d’adoption :
L’article 61 du Code civil prévoit que « toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de nom ».
Lorsque la demande de changement de nom est effectuée pour un enfant mineur, elle doit être présentée par ses parents exerçant conjointement l'autorité parentale.
5. Adoption / nationalité / titre de séjour :
La Kafala n’ouvre pas le droit à l’adoption du mineur étranger en France en raison de l’article 370-3, alinéa 2 du Code civil qui prévoit que « L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».
Obtention de la nationalité par déclaration
L’article 21-12 du Code Civil dispose que l’enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française peut demander la nationalité française.
Dans un avis du 4 juin 2012 (n° n°1200004), la Cour de cassation a considéré que l’enfant recueilli en France depuis au moins 5 années le jour de la déclaration acquisitive de la nationalité française et élevé par une personne ayant la nationalité française depuis au moins 5 années au jour de cette déclaration peut réclamer, jusqu’à sa majorité, la nationalité française à condition qu’il justifie de sa résidence en France à l’époque de la déclaration.
Dans un arrêt rendu le 14 avril 2010, la Cour de cassation a indiqué que pour pouvoir prétendre à l’application des dispositions de l’article 21-12 du Code civil, il faut rapporter la preuve de ce que l’enfant recueilli a bénéficié d’un recueil effectif. Le simple fait pour une personne de nationalité française d’accueillir en France un enfant par Kafala ne suffit pas en soi pour justifier une déclaration de nationalité sur le fondement de cet article. Les juges du fond doivent vérifier la réalité et la continuité de l’accueil.
Une fois la nationalité obtenue par l’enfant recueilli, il sera possible aux personnes recueillantes de formuler une demande d’adoption puisque l’article 370-3, alinéa 2 ne s’appliquera plus.
Le document de circulation de l’étranger mineur (DCEM)
Ce document peut être délivré au mineur qui ne remplit pas les conditions d’obtention du titre d’identité républicain (pour lequel il faut notamment que le mineur soit né en France).
Le document peut être délivré au mineur résidant en France :
- entré avant l’âge de 13 ans en France et qui y réside habituellement avec au moins un de ses parents
- ou qui a été confié, au plus tard à ses 16 ans, au service de l’aide sociale à l’enfance
- ou entré en France avec un visa de long séjour
- ou entré en France avec un visa de séjour de plus de 3 mois pour suivre des études
La demande doit être faite par la personne exerçant l’autorité parentale. Le document de circulation pour étranger mineur est valable 5 ans renouvelables.
Pour obtenir ce document, il faut établir l’exercice de l’autorité parentale par le demandeur sur l’enfant concerné. Pour justifier de cette condition, il semble que le document à fournir reste à la libre appréciation de chaque préfecture. En effet, chaque préfecture demande des documents différents : fournir l’exequatur de la Kafala ou simplement l’acte judiciaire de Kafala (décision judiciaire étrangère) qui constitue pour certaines préfectures un acte judiciaire de transfert de l’autorité parentale.
En tous les cas, il ne semble pas qu’une décision d’adoption puisse être exigée. En effet, il faut effectivement fournir des documents relatifs à la filiation de l’enfant mais dans le cadre d’une Kafala, il doit être possible de fournir ces documents en rapport à ses parents biologiques et ensuite, à l’égard du demandeur, attester de son autorité parentale sur le mineur.