Pandémie H1N1 et Droit du Travail
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A l'heure où j'écris cet article, nos chères petites têtes blondes préparent leur cartable, comme chaque veille de rentrée scolaire, mais pour une fois moins angoissées que leurs heureux parents s'inquiétant de la propagation de la grippe A H1N1.
Ce nouveau virus grippal A H1N1, apparu au Mexique et aux Etats-Unis avant l'été, continue à se répandre très rapidement à travers le monde, et c'est d'ailleurs en raison de cette rapidité d'extension géographique que l'OMS a déclaré le 11 juin 2009 l’état de pandémie.
Cette pandémie concerne certes les établissements scolaires, pour lesquels trois mesures graduées sont mises en place, mais aussi toutes les entreprises et tous leurs salariés.
Si la situation n’apparaît pas pour l’heure dangereuse pour la santé publique ni pour l’activité économique et sociale, le gouvernement a mis en place un plan d'action afin de prendre les précautions qui s’imposent pour éviter que la situation ne dégénère, lesquelles risquent d’être fortement perturbées.
Au plus fort de la vague pandémique, l’absentéisme pourrait perturber non seulement l’entreprise mais aussi ses fournisseurs et ses clients.
La Direction Générale du Travail (DGT) a rendu une première circulaire en date du 18 décembre 2007 relative à la continuité de l’activité des entreprises et aux conditions de travail et d’emploi des salariés du secteur privé en cas de pandémie grippale (n°2007/18).
Cette circulaire a été complétée et actualisée par deux circulaires des 26 juin et 3 juillet 2009 pour prendre en compte l'évolution de la situation sanitaire.
La circulaire numéro 2009/15 du 26 juin 2009 relative au rôle des acteurs de la santé au travail en cas de pandémie grippale met en première ligne les médecins du travail dans leur rôle d’information des entreprises.
La circulaire numéro 2009/16 du 3 juillet 2009 relative à la pandémie grippale rappelle qu’en la matière, le plan national de lutte contre la pandémie grippale ne se présente pas comme un programme ou un catalogue de mesures à prendre ou à éviter mais essentiellement comme un “outil d’aide à la décision”.
Bien que l’objet de ces deux circulaires renvoie au secteur privé, les problématiques envisagées sont d’ordre intersectoriel. Elles engagent donc également les administrations et les services publics.
Les activités dites "d’importance vitale" et autres services essentiels ne pouvant être interrompus en temps de pandémie ont été mentionnés dans la circulaire du 20 février 2009 : santé, alimentation, communications électroniques, fourniture d’énergie, information du public, transports nécessaires, circulation des liquidités et maintien des moyens de paiement, gestion de l’eau, élimination des déchets..
Les mesures suivantes de protection de la santé des salariés sont énumérées en cas de pandémie grippale :
- Le plan de continuité de l'activité de l’entreprise : la circulaire recommande l’élaboration dans toutes les entreprises d’un plan de continuité de l'activité (PCA).
Ce plan doit prévoir des mesures d’organisation de l’activité et du travail dans l’entreprise, mais également des mesures de prévention sanitaire parmi lesquelles l’actualisation au risque de pandémie grippale du document unique d’évaluation des risques professionnels ou la mise en place de mesures d’hygiène.
- Le port de masques : actuellement, le port du masque n'est pas obligatoire. L’achat de masques pour les salariés relève de la responsabilité de l’employeur, en fonction de l’évaluation des risques pratiquée dans l’entreprise et consignée dans le document unique d’évaluation des risques.
De plus, compte tenu du fait que les entreprises devront éventuellement faire face à un absentéisme justifié tant par la maladie, pour éviter de perturber trop les activités a été lancé un appel à un usage intensif des technologies de pointe.
Les mesures suivantes d'organisation du travail sont énumérées :
- le télétravail : il permet au salarié de poursuivre ses tâches en dehors des locaux de l’entreprise. L’employeur doit obtenir l’accord écrit du salarié s’il souhaite que ce dernier télétravaille.
- la polyvalence des salariés : afin de faire face à l’absentéisme de salariés malades, l’employeur peut procéder à des aménagements de poste. La circulaire précise que ces aménagements devront être temporaires, en fonction du temps et de l’intensité de la pandémie, proportionnés et en rapport direct avec la contrainte subie. De plus, le salarié doit exercer des tâches qui restent en rapport avec sa qualification.
- l’astreinte : elle permet à l’employeur de rappeler un salarié à son poste de travail, alors que ce dernier est en astreinte à son domicile ou à proximité. Le salarié en astreinte a l’obligation d’intervenir à la demande de l’employeur.
En cas de circonstances exceptionnelles, le salarié doit être averti de son astreinte au moins un jour franc à l’avance (hors circonstances exceptionnelles, le délai de prévenance est de 15 jours).
- la suspension du repos hebdomadaire : en cas de travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire, l’employeur peut suspendre le repos hebdomadaire des salariés devant réaliser ces travaux. L’employeur peut ainsi suspendre le repos hebdomadaire afin de prévenir des accidents imminents.
Il est important de préciser en outre que c’est à l’employeur public ou privé de fournir à ses agents les équipements et supports du travail à effectuer "chez soi", que c’est à l’employeur d’installer au lieu de confinement du travailleur les machineries nécessaires, et que c'est encore à l'employeur d’assurer l’entretien et la maintenance des matériels mis à la disposition de l’agent pour la continuité administrative.
Il n'est en effet pas concevable d'obligé quelqu'un ou quelqu'une à détenir un ordinateur avec les logiciels adéquats ou avec une connexion Internet à haut débit.
Il serait surtout fondamentalement contraire aux principes de droit que de permettre à certains agents de se connecter à partir de leur propre machine sur des serveurs spécifiques de l’administration (comme par exemple ceux relatifs aux fichiers comportant des données personnelles).
Tant de problèmes juridiques pourraient alors surgir au prétexte d’une application décousue d’un plan de lutte contre la pandémie grippale !
Par ailleurs, la circulaire n°2009/15 du 26 juin 2009 comporte un document d'instruction relative au rôle des médecins du travail et des services de santé au travail, actualisant l'annexe de la circulaire du 18 décembre 2007.
Il est inséré une partie 3 concernant le cas particulier de la mise en place d’un corps de réserve sanitaire. En effet, en cas de pandémie, le préfet du département peut faire appel en renfort à des médecins du travail inscrits dans un corps de réserve sanitaire. La circulaire précise que cette mesure ne doit pas avoir pour effet de priver les entreprises de l'assistance médicale dont elles auraient besoin dans le cas où des personnes continueraient de travailler durant la pandémie.
Il est prévu enfin une partie 4 relative au plan de continuité du service de santé au travail.
Toutefois, plus que sur une conscience de la responsabilité de chaque chef d'entreprise à prendre des mesures efficaces, c’est surtout, il me semble, sur la responsabilisation personnelle des citoyens que la lutte contre la pandémie grippale reposerait, par notamment le port du masque rendu obligatoire dans tous les espaces publics, par l'idée d'une éventuelle vaccination généralisée qui pourrait être décidée, par la démarche personnelle de s’ausculter soi-même, à poser seul son diagnostic avec l’assistance de la télémédecine…
La participation active de la population à la solidarité familiale et de voisinage avait déjà été mise en valeur dans la circulaire du 20 février 2009.
La rentrée ne sera pas une partie facile à jouer !
Maïlys DUBOIS
Avocat