LE PROJET DE LOI SUR L'AUTORITE PARENTALE ET LE DROIT DES TIERS
Fin d'année 2008, le Président de la République, Monsieur Nicolas SARKOZY, a donné mission à la Ministre de la Justice, Madame Rachida DATI, et à la Secrétaire d'Etat chargée de la Famille, Madame Nadine MORANO, d'aménager le droit civil pour permettre aux adultes qui vivent avec des enfants dont ils ne sont pas les parents biologiques, de pouvoir procéder pour eux aux démarches habituelles de la vie quotidienne, et de protéger juridiquement, dans l'intérêt de tous, les liens affectifs incontestables qui se nouent entre ces enfants et ces adultes.
En d'autres termes, le Gouvernement devait se pencher sur l'élaboration d'un projet de Loi relatif à l'autorité parentale et aux droits des tiers.
Comme nous le savons dans le cadre de notre activité professionnelle, les divorces et les séparations sont en constante augmentation.
Ces derniers, auxquels il convient d'ajouter les nouvelles configurations familiales, constituent une réalité sociodémographique indéniable.
On compte environ 1,6 millions d'enfants au sein d'une famille recomposée et 2,7 millions dans un foyer monoparental.
De nouveaux modèles de foyer se sont dessinés, où aujourd'hui l'enfant est entouré de tiers, parents ou non, qui peuvent intervenir dans la vie de ce dernier, voire partager son quotidien et nouer ainsi avec lui des liens étroits et durables.
Il y avait déjà eu un premier pas de franchi avec la Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, en consacrant le droit pour l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, étendu au tiers, parents ou non, et en instaurant la délégation partage de l'autorité parentale sur décision du juge.
Beaucoup de professionnels ont été amenés à se plaindre de ce dernier dispositif, notamment pour son manque de souplesse et son inadaptation à de nombreuses situations familiales.
L'actuel projet de loi entend faciliter l'intervention des tiers dans la vie de l'enfant, tout en laissant aux parents et aux principes gouvernant l'autorité parentale toute leur place.
Ce projet de loi précise et étend les droits des tiers amenés à résider avec l'enfant et l'un de ses père et mère, complète et assouplit le dispositif permettant aux parents de partager l'autorité parentale avec ces derniers, et enfin autorise le juge à assortir d'une astreinte afin de maintenir une coparentalité effective entre les parents séparés.
A priori, cet avant-projet de loi n'a rien de bien révolutionnaire.
Annoncé avec bruit comme la création nouvelle d'un «statut du beaux-parents» par Nicolas Sarkozy il y a quelques semaines, il reste d'une ambition modeste.
Le projet de Loi présente 9 articles. Je vous propose un bref résumé en quatre axes.
1- ARTICLE 1
L'article 1 consacre le droit de l'enfant à entretenir des relations avec les tiers qui ont résidé avec lui et l'un de ses parents et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits.
L'alinéa 1 de l'article 371-4 du Code civil est modifié afin de tenir compte des relations et des liens noués entre l'enfant et le beau-père ou la belle-mère.
Le droit de l'enfant à entretenir avec ce dernier est donc désormais posé comme principe.
Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.
Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 371-4 du Code civil, qui visent les autres tiers, ne sont pas modifiées. Il n'existe pas de droit au maintien des relations. Seul l'intérêt de l'enfant peut, selon les cas, permettre au juge d'en fixer les modalités.
2- ARTICLES 2 et 5
Dans la vie quotidienne, il est fréquent qu'un parent donne mandat à un tiers, d'effectuer des actes de la vie quotidienne de l'enfant et ce sans avoir nécessairement à en référer à l'autre parent (trajet d'école, accompagnement à une consultation médicale …etc.).
Le projet de loi propose dans son article 2 de donner une base légale aux actes usuels effectués par un tiers autorisé par un parent (article 372-2 al.1er; in fine), et de préciser les contours de la notion d'actes usuels et d'actes importants (article 372-2 al.2).
Ainsi, prévoir qu'un parent peut autoriser un tiers à accomplir un acte usuel clarifie le rôle du tiers dans la vie de l'enfant.
Cela offre par la même occasion une meilleure sécurité juridique tant aux enfants qu'aux adultes.
Comme il s'agit d'une présomption d'autorisation, l'autre parent (celui qui n'a pas donné l'autorisation) a le droit de contester soit l'opportunité de l'acte réalisé, soit son caractère d'acte usuel.
Au surplus, la précision de la notion d'actes importants devrait permettre de circonscrire l'intervention du tiers mais aussi de lever les ambiguïtés invoquées notamment par les professionnels intervenant dans le cadre de la protection de l'enfance.
Enfin, le projet de loi dans son article 5 prévoit l'insertion d'un second alinéa à l'article 373-4, aménageant les règles d'exercice de l'autorité parentale sur les enfants confiés à un tiers, hors cas de la mesure d'assistance éducative.
Le Juge aux Affaires Familiales peut autoriser le tiers à qui l'enfant à été confié, sous certaines conditions, à effectuer un acte important de l'autorité parentale.
Les conditions d'application sont strictes. Cette possibilité n'est ouverte que dans l'intérêt de l'enfant et en cas de blocage avéré (preuve incombant au tiers à qui l'enfant est confié).
3- ARTICLE 3
Cet article vise à conforter la coparentalité entre les parents séparés.
Le projet de loi élargit les pouvoirs du Juge aux Affaires Familiales.
Le Juge peut assortir sa décision d'une astreinte mise à la charge du parent qui ne respecte pas les modalités de résidence de l'enfant.
Peut-être que cette modalité réduira le risque de non représentation d'enfant, but de sa mise en place.
4- ARTICLES 4, 7 et 8
Enfin, le projet de loi élargit les cas dans lesquels le tiers peut se voir confier l'enfant ou obtenir une délégation d'autorité partielle ou totale de l'exercice d'autorité parentale.
L'alinéa 2 de l'article 373-3 est modifié par l'article 4 du projet de loi afin de permettre de choisir plus largement le tiers et pas uniquement dans la parenté de l'enfant.
Le Juge aux Affaires Familiales peut enfin tenir compte des situations dans lesquelles un tiers, partageant ou ayant partagé la vie d'un des parents, est présent dans la vie quotidienne de l'enfant et assume sa prise en charge d'une façon constante.
L'alinéa 3 est modifié afin d'élargir à toute situation de séparation la possibilité pour le Juge d'anticiper la désignation du tiers auquel serait confié l'enfant en cas de décès de l'un des parents.
Le Juge peut tenir compte de la réalité des liens entre l'enfant et le tiers, et apprécier la nécessité ou non, au regard de l'intérêt de l'enfant, du maintien de ces liens.
Le tiers peut-être un parent de l'enfant mais pas seulement.
L'article 7 du projet ajoute un alinéa 2 à l'article 377.
En cas de décès ou hors d'état de manifester du parent résidant, le tiers qui résidait avec ce parent et l'enfant et qui a noué des liens affectifs étroits avec celui-ci, peut saisir le Juge aux Affaires Familiales en vue de se voir déléguer tout ou partie de l'autorité parentale.
Une certaine stabilité devrait être ainsi atteinte pour l'enfant.
Le tiers pourra dans ces conditions prendre les décisions nécessaires à la prise en charge de l'enfant lorsque notamment l'autre parent est éloigné ou même défaillant.
Des situations douloureuses pourront être ainsi évitées.
La saisine du Juge aux Affaires Familiales par le tiers est directe, sans l'intermédiaire du Procureur de la République.
La réponse judiciaire doit ainsi être améliorée dans sa rapidité.
En outre, un mécanisme de la convention de délégation et de partage de l'autorité parentale est institué par l'article 377 du Code civil modifié par l'article 8 du projet de loi et pris en compte par les articles 376 et 377-2 modifiés par l'article 6.
Il s'agit d'offrir une solution souple aux parents, qui peuvent déléguer totalement ou partiellement l'exercice de l'autorité parentale afin de répondre aux besoins précis de l'enfant.
La convention est soumise à l'homologation du Juge aux Affaires Familiales qui vérifie que la convention est conforme à l'intérêt de l'enfant et que le consentement du ou des parents et du délégataire a été donné librement.
Il est important de préciser qu'en cas de saisine du Juge par le parent exerçant seul l'autorité parentale, l'avis de l'autre parent doit être systématiquement recueilli.
L'avant-projet de loi s'appuie donc sur ses acquis jurisprudentiels pour les consolider.
Alors, certes, ce texte permettra à des familles homoparentales de mieux organiser leur vie quotidienne, de trouver un peu plus de sécurité juridique, à défaut d'une vraie reconnaissance, et ce, à partir d'outils juridiques qui existent déjà, mais jusqu'alors applicables dans des conditions trop restrictives.
Pour autant, la polémique soulevée par Madame Christine Boutin est artificielle.
La ministre du logement s'est en effet élevée contre ce projet qui amènerait, selon elle, à reconnaître de manière détournée l'homoparentalité.
Madame la Ministre indiquait (je cite) : « Je n’accepterai pas que l’on reconnaisse l’homoparentalité et l’adoption par les couples homosexuels de façon détournée, en le glissant dans une loi sur le statut du beau-parent. La démocratie chrétienne sociale, les enjeux pour les enfants comme pour les parents sont suffisamment conséquents pour qu’ils soient abordés de façon franche et débattue. Le fait de reconnaître le statut du beau-parent risque de mener à la reconnaissance objective de l'homoparentalité et de l'adoption par les couples homosexuels. L'enfant pour se structurer a besoin d'un papa et d'une maman».
Or, selon les associations pour la reconnaissance des familles homoparentales, cette concession faite aux familles homoparentales reste encore limitée en réalité et ne propose que le strict minimum.
On n'ose imaginer les réactions quand le vrai débat sur l'égalité et l'homoparentalité s'ouvrira !
Maïlys DUBOIS
Avocat