Réparation du dommage proportionnellement à la gravité de la faute
Civ.2 e, 13 janvier 2011, pourvoi n° 09-71.196
Les faits
Une femme, passagère de la voiture conduite par son mari, est blessée à la suite d’un accident de la circulation. Elle subit une intervention à l’hôpital de Neuchâtel en Suisse, et demeure aujourd’hui paraplégique. Pour être indemnisée, elle assigne son mari et son assureur (Maaf) en responsabilité. Ces derniers l’indemnisent et se retournent contre la ville de Neuchâtel et son assureur (Axa Winterthur).
La décision
Retenant qu’une faute médicale avait été commise lors de l’intervention chirurgicale, la cour d’appel d’Agen (arrêt du 26 mai 2009) a condamné la ville de Neuchâtel et AXA Winterthur à payer plus d’un million d’euros à la Maaf, au titre des sommes versées à la victime. Les juges du fond ont retenu que « si l’opération avait été rendue nécessaire par l’accident » causé par le mari, c’est « l’opération mal réalisée » qui était à l’origine de la paraplégie. Et d’ajouter que « la faute de monsieur n’avait joué aucun rôle dans l’apparition de cette paraplégie ».
La Cour de cassation sanctionne cette décision : « La contribution à la dette de réparation du dommage, subi par la victime d’un accident de la circulation, entre un conducteur impliqué dans l’accident et un autre coobligé fautif a lieu en fonction de la gravité des fautes respectives de chacun ».
Commentaire
Lorsque plusieurs personnes sont à l’origine d’un même dommage, la Cour a estimé qu’il fallait tenir compte « du rôle causal direct » de chacun dans la réalisation du dommage (thèse du conducteur) et non diviser le montant de l’indemnité par le nombre de coobligés (thèse de l’hôpital). Dans cette affaire, le conducteur de la voiture devra donc réparer les conséquences liées à l’accident et l’hôpital, celles liées à l’intervention, c'est-à-dire la paraplégie. Chacun contribue à la réparation du dommage proportionnellement à la gravité de sa faute. Cette solution, logique en apparence, suscite toutefois quelques remarques : d’une part, le conducteur se voit, de fait, déresponsabiliser puisque l’intervention médicale s’est faite sans lui. Or, sans son fait de conduite l’acte médical n’aurait pas eu lieu. D’autre part, il sera difficile d’appliquer ce raisonnement lorsque les circonstances exactes d’un accident impliquant plusieurs personnes ne seront pas déterminées. Le « quantum » de dette de chacun devra être fixé par les juges au cas pas cas. Par ailleurs, en visant les articles 1251 et 1382 du code civil dans sa décision, la Cour confirme qu’en cas d’accident de la circulation suivi d’une faute médicale, le recours s’exerce sur le fondement du droit commun (et non de la loi Badinter).
Extrait de l'argus de l'assurance parution du lundi 14 février 2011