Les créanciers privilégiés à l’épreuve des procédures collectives
Dans un rapport d’obligation, le créancier peut chercher à se prémunir contre l’insolvabilité de son débiteur, contre le risque d’impayé. Ainsi pourra-t-il obtenir de ce dernier une sûreté, c'est-à-dire un mécanisme établi en sa faveur afin de garantir le paiement de la dette à l’échéance.
On peut distinguer les sûretés personnelles, des sûretés réelles. Les premières permettent au créancier d’optimiser ses chances de paiement en adjoignant au débiteur principal d’autres débiteurs qui seront tenus de la dette sur l’ensemble de leur patrimoine. Les secondes- celles que nous nous bornerons ici à étudier – consistent en l’affectation d’un ou plusieurs biens du débiteur au paiement de la dette. Enfin, à ces sûretés traditionnelles, se sont développées les « sûretés propriété », auxquelles nous porterons aussi une attention.
L’avantage d’une sûreté c'est qu’elle offre plus que le « droit de gage général », à savoir le droit commun des garanties à disposition des autres créanciers du débiteur : les créanciers chirographaires.
Intéressante en période normale, leur efficacité est mise à lorsque le débiteur, en difficulté, tombe en procédure collective. En effet, le droit français des procédures collectives, dans l’espoir de favoriser la survie des entreprises en difficulté a permis parfois d’alléger voir de supprimer les dettes du débiteur. De plus, la règle traditionnelle en la matière est la suspension des poursuites individuelles, dont le principe est posé par l’article L.621-40 du Code de commerce.
Il résulte donc de l’arrêt de la chambre commerciale du 8 janvier 2002 (Bull. n° 3) que hormis le cas d’une instance en cours à la date du jugement d’ouverture, « tout créancier antérieur doit se plier à la discipline collective et à la procédure de vérification des créances qui constitue la seule voie possible pour faire admettre sa créance ». Dès lors, le créancier privilégié redevient un créancier « comme les autres ».
Toutefois, perd-il entièrement le bénéfice de sa sûreté ?
Nous verrons que dans certaines circonstances, le créancier privilégié a tout de même une chance de préserver le privilège de son rang. Mais tout d’abord, il faut rappeler que depuis la loi du 26 juillet 2005, le créancier ne déclarant pas sa créance au passif du débiteur ne peut la rendre opposable dans le cadre de la procédure collective.
- Le cas du créancier rétenteur
Dans ce cas le créancier ne possède pas véritablement une sûreté mais il détient physiquement le bien que lui a remis son débiteur, exerçant par là un moyen de pression pour être payé (ex : garagiste impayé pour sa prestation). Cette détention est opposable à tous et produit ses effets même dans le cas d’une procédure collective. D’ailleurs pendant la période d’observation, si l’administrateur judiciaire veut récupérer le bien du débiteur, notamment pour poursuivre l’activité, il devra payer la créance que vient garantir le droit de rétention (art. L. 622-7 du code de commerce).
- Le cas du créancier gagiste
Lorsque le gage est effectué sans dépossession et si le créancier a pris soin de publier sa sûreté, il détient sur le bien gagé un droit de rétention fictif que lui octroi la loi. Ici, il ne s’agit pas de conservation matérielle de la chose, ce droit aura donc des effets atténués par rapport au premier. Il est ainsi inopposable pendant la période d’observation (Cf. article susvisé), voir après, c'est-à-dire pendant le plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. En revanche, ce droit de rétention fictif confère un véritable avantage au créancier dans le cadre d’un plan de cession, à savoir un droit de paiement prioritaire par rapport à tout autre créancier, notamment super privilégiés : salariés, frais de justice ou de conciliation (art. L. 624-11 du code de commerce). Il repassera donc au premier rang et primera les autres par un « mécanisme de subrogation réelle sur le prix » de vente judiciaire ou d’adjudication en cas de vente du bien sur lequel il porte (Cass. Com. 26 janvier 2010).
N.B : il en est ainsi, chaque fois que la loi accorde un droit de rétention peu importe la sûreté à laquelle il vient se rattacher.
- Le cas du vendeur réservataire
Le vendeur réservataire est celui qui par l’effet d’une clause de réserve de propriété, se réserve la propriété d’un bien tant que l’acquéreur n’en a pas entièrement payé le prix. Lorsque ce dernier tombe en procédure collective, le vendeur doit revendiquer le bien vendu dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour que son droit devienne opposable à la procédure (art. L. 624-16 du code de commerce). S’il a publié sa clause, il pourra agir à tout moment de la procédure. Dès lors, le droit de propriété du créancier se reportera sur la créance de prix de revente (art. L. 624-18 du même code).
- En cas de fiducie-sûreté
En la matière, on tient compte du fait que le constituant n’est plus propriétaire des biens et droits qu’il a transférés et par conséquent la sûreté pourra être réalisé quelque soit le stade de la procédure dans laquelle on se trouve, même pendant la période d’observation (art. L. 622-23-1). Le bénéficiaire peut donc réaliser sa sûreté et primer tout autre créancier. Ce droit exclusif lui confère la propriété définitive des biens et droits transmis. A ce principe, on relève toutefois une exception : lorsque le bien transféré à titre de fiducie-sûreté fait l’objet d’une convention d’usage et de jouissance au profit du constituant. La loi prévoit que la fiducie n’est pas un contrat en cours au sens des procédures collectives, à savoir un contrat que l’administrateur peut résilier afin d’alléger le passif du débiteur en difficulté. Il n’en est pas de même de la convention d’usage et de jouissance.
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Joan DRAY
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