Le locataire d’un bail commercial doit respecter plusieurs obligations, parmi lesquelles figure celle d'exploiter un fonds de commerce dans les lieux loués.
Ainsi, ne constitue pas un motif légitime la grave maladie dont le locataire est atteint, dès lors que celui-ci ne démontre pas que l'interruption de son activité présente un caractère provisoire ou réversible, ni qu'il va pouvoir reprendre, dans les meilleurs délais, son métier de photographe qu'il exerce dans les lieux loués (CA Paris 5 novembre 1992 n° 91-18504, 16e ch. B, Mezescaze c/ SA Crédit Automobile de France).
Les tribunaux estiment en effet qu'il appartient alors au locataire de prendre toutes dispositions, soit pour faire exploiter le fonds par un tiers salarié ou un locataire-gérant, soit pour céder son fonds.
Le respect de cette obligation lui assure l’application du statut des baux commerciaux, et le droit au renouvellement du bail.
Ainsi, le statut des baux commerciaux ne s’applique si un fonds est exploité dans les lieux loués (C. com. art. L145-1).
Il ressort de cet article que pour que le statut des baux commerciaux puisse s’appliquer, il faut qu’un véritable fonds existe, qu’il soit la propriété du commerçant, de l'industriel ou de l'artisan et qu’il y soit exercé une activité commerciale, industrielle ou artisanale.
C'est au locataire qui prétend bénéficier du statut de prouver qu'il remplit les conditions prévues par l'article L 145-1, I du Code de commerce (Cass. 3e civ. 17 octobre 1972).
Mais l’exploitation en elle-même du fonds de commerce a plus d’incidence sur la question du renouvellement du bail, en ce qu’elle en forme une condition.
Ainsi, nous verrons dans cet article que si le renouvellement du bail peut être refusé pour cause de non-exploitation, il n’est cependant pas possible de résilier le contrat pour cette raison.
- Le refus du droit au renouvellement en cas de non-exploitation du fonds de commerce
Aux termes de l’article L 145-8 alinéa 1 du Code de commerce, « le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds qui est exploité dans les lieux ».
L’alinéa 2 énonce que pour que le propriétaire du fonds exploité dans les lieux loués puisse invoquer le droit au renouvellement du bail, le fonds doit avoir fait l'objet d'une exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de sa reconduction, sauf si le propriétaire du fonds justifie de motifs légitimes de non-exploitation.
En matière de droit au renouvellement du bail, relève du pouvoir souverain des juges du fond l’appréciation du caractère légitime motif de non-exploitation effective du fonds de commerce durant les trois dernières années précédant la date d’expiration du bail.( Cass. 3e civ., 26 oct. 2011, no 10-25.247).
Pour pouvoir invoquer le droit au renouvellement du bail, le locataire doit être propriétaire du fonds exploité dans les lieux loués.
En outre, ce fonds doit, « sauf motifs légitimes », avoir fait l’objet d’une exploitation effective au cours des trois dernières années qui précèdent la date d’expiration du bail.
L'exploitation effective se caractérise par une exploitation réelle, régulière et conforme à la destination du bail, la seule inscription du locataire au registre du commerce et des sociétés ne suffit donc pas (Cass. 3e civ. 8 janvier 1969).
L’appréciation de cette exploitation effective revient aux juges du fond (Cass. com. 21 avril 1958 Ghirardi c/ Ghirardi et Cass. com. 22 avril 1964, Sté des vins Debray c/ Cie générale des produits « Dubonnet-Cinzano-Byrrh »).
Ainsi, une cour d'appel a légalement justifié sa décision de refuser au locataire de locaux commerciaux le droit au renouvellement de son bail, faute d'exploitation effective du fonds de commerce dans les lieux loués, dès lors qu'ayant souverainement relevé qu'à la date du constat d'huissier, dont elle a apprécié la valeur probante, il n'y avait aucune activité dans les lieux loués (Cass. 3e civ. 16 janvier 1991, Palma c/ Arnaud).
Aux termes de l’article L 145-8 suscité, le fonds doit avoir été exploité au cours des trois années précédant la date d'expiration du bail ou de sa tacite reconduction.
Il faut qu’il s’agisse d’une exploitation effective tout au long de ces trois dernières années (Cass. 3e civ. 14 juin 2006).
Toujours selon l’article L 145-8, une éventuelle déspécialisation ne prive pas le locataire de son droit au renouvellement.
Enfin, faute d’exploitation, le locataire s’expose à un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction.
Toutefois, l’article L 145-8 prévoit dans son alinéa 2 que le fonds doit faire l’objet d’une exploitation effective « sauf motifs légitimes ».
Dérogations possibles
Le locataire peut prouver l’existence d’un motif légitime l’ayant conduit à interrompre l’exploitation de son fonds de commerce.
Les motifs invocables sont divers et peuvent résulter, notamment, de la procédure collective du locataire, de son état de santé, ou de son comportement fautif ou de celui du bailleur.
En l’état actuel de la jurisprudence, il semblerait que la non-exploitation se soit pas imputable à une faute du locataire.
Il en est ainsi lorsque la préemption du local par une commune peut justifier la non exploitation du fonds par le locataire.
Dans cette affaire, après l'exercice par la commune de son droit de préemption, le locataire avait dû revoir ses plans, redéfinir les travaux qu'il envisageait d'effectuer en qualité de propriétaire et n'avait pu reprendre l'exploitation qu'après achèvement de ces travaux de sorte qu'il justifiait d'un motif légitime de non-exploitation du fonds.
(Cass. 3e civ. 26 octobre 2011 n° 10-25.247 (n° 1242 FS-D), Cne de Chevilly-Larue c/ Sté Café l'Hénon.)
L'appréciation du caractère légitime des motifs invoqués relève là aussi du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 3e civ. 1er février 1989 n° 201 D, Decroix c/ Rey).
- Pas de résiliation possible si le contrat ne la prévoit pas
La résiliation est différente du non-renouvellement ; dans ce cas, c’est la fin du contrat en cours d’exécution qui est demandée.
Alors l’absence d’exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués peut-elle entraîner la résiliation judiciaire du bail commercial ?
La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en 2009 (Cass. 3e civ. 10 juin 2009 n° 07-18.618 (n° 653 FS-PB), Sté Halles des Viandes c/ Pugliese).
Dans cette affaire, un fonds de commerce était demeuré inexploité depuis plus de trois ans, le propriétaire souhaitait donc obtenir la résiliation du contrat de bail.
La Cour d’appel avait cru pouvoir prononcer la résiliation du bail pour défaut d’exploitation, au motif que l'exploitation du fonds de commerce par son propriétaire dans les lieux loués est non seulement une obligation inhérente à l'économie du bail commercial mais aussi une condition de l'application du statut des baux commerciaux.
La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation et casse l’arrêt au motif que « l'obligation d'exploiter est une condition d'application du statut des baux commerciaux dont l'inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués ».
Ainsi, cette affaire a permis à la Cour de cassation de nous préciser que la résiliation du contrat de bail pour inexploitation du fonds de commerce est impossible si elle n’est pas prévue par une clause contractuelle.
En effet, l’exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués n’est pas une obligation inhérente à l’économie du bail commercial, et l’absence d’exploitation ne cause pas de préjudice au bailleur.
En conséquence, l’inexécution de cette obligation ne peut constituer une cause de résiliation du contrat dans le silence de celui-ci ; en revanche, une clause peut le prévoir.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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