L’interdépendance du crédit immobilier avec le contrat principal : une protection accrue du consommateur
En droit commun, le principe est celui de l’indépendance des contrats. Cependant, afin de protéger la partie faible, le code de la consommation prévoit une interdépendance du contrat de crédit immobilier avec le contrat principal. En effet, le législateur a voulu éviter que le consommateur paye un crédit alors qu’il n’a pas pu acquérir l’immeuble. Ou, inversement, qu’il acquiert un bien immobilier alors qu’il n’a pas obtenu les fonds nécessaires.
Le législateur a prévu deux techniques afin de réaliser cette interdépendance.
- Du côté du contrat de crédit immobilier : la condition résolutoire
Selon l’article L.312-12 du Code de la consommation « L'offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé.
Les parties peuvent convenir d'un délai plus long que celui défini à l'alinéa précédent. ».
Cette règle est d’ordre public. Les parties ne peuvent pas y renoncer.
L’insertion d’une clause résolutoire dans le contrat de crédit immobilier n'a pas d'effet sur l'exécution du contrat de prêt. Le prêteur va pouvoir effectuer des versements.
Cependant, si le contrat de vente, de construction ou de réparation immobilière n’est pas conclu, le contrat de crédit immobilier sera résolu. On considère qu’il n’a jamais existé. Les obligations à la charge des parties sont annulées.
De plus, la résolution a un effet rétroactif. Si le contrat en vue duquel le prêt a été accordé n'est pas conclu dans le délai prévu, l'emprunteur pourra demander le remboursement des sommes versées au titre du contrat de crédit.
La Cour de cassation considère que le contrat de prêt est anéanti de plein droit lorsque le contrat principal disparaît du fait d'une annulation (Civile 1 16 décembre 1992) ou d'une résolution (Civile 1 1er décembre. 1993).
Si l’emprunteur sollicite plusieurs crédits pour financer une même opération, chaque crédit est consenti sous la condition suspensive de l'octroi des autres crédits. L’exécution du contrat affecté d'une condition est subordonnée à la réalisation de cette condition.
L’article L.312-13 du Code de la consommation limite l’application de ce dispositif au prêt d’un montant supérieur à 10 % du crédit total.
- Du côté du contrat principal : la condition suspensive
- L’acte principal
Selon l’article L.312-15 du Code de la consommation « l’acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente acceptée, ayant pour objet de constater l’une des opérations mentionnées à l’article L.312-2, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l’aide d’un ou plusieurs prêts … »
Ce texte vise :
- Contrat de vente
- Promesse unilatérale d’achat
- Compromis de vente
- Promesse de vente acceptée : manifestation de volonté du bénéficiaire qui accepte la promesse en tant que tel
L’acte ne doit pas se contenter d’indiquer le recours à un prêt. Il doit préciser les conditions dans lesquelles le prêt sera demandé (montant, taux, échéance…).
Si les parties n’ont pas mentionné dans l’acte le recours à un prêt, la preuve qu’un prêt a été sollicité pourra être rapportée par tout moyen.
- La condition suspensive
L’article L.312-16 du Code de la consommation précise que le contrat principal est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du crédit. La condition suspensive devra être réalisée dans un délai d’1mois à compter de la signature du contrat principal.
Le contrat principal n’existera que lorsque le crédit immobilier sera obtenu.
Cette règle est d’ordre public. Les parties ne peuvent pas y renoncer lors de la conclusion du contrat. Par contre, la cour de cassation admet la possibilité d’y renoncer a posteriori (Civile 1 17 mars 1998).
La cour de cassation estime que la condition suspensive est réalisée « dès la délivrance d’une offre ferme et sans réserve caractérisant l’obtention d’un prêt conforme aux stipulations contractuelles » (Civile 3 27 janvier 2009).
Elle a précisé que c’est au candidat acquéreur qu’il appartient de prouver qu’il a fait les démarches nécessaires et qu’il a sollicité une demande de prêt conforme à ce qui était prévu (Civile 3 30 janvier 2008).
La conformité de la demande signifie que le montant sollicité correspond au montant nécessaire à la vente.
S’il fait les démarches mais n’obtient pas le crédit, le candidat acquéreur ne sera pas lié par la condition suspensive. L’acte de vente devient caduc. Selon l’alinéa 2 de l’article L.312-16, l’acquéreur pourra récupérer les sommes versées à l’avance à l’autre partie (indemnité d’immobilisation par exemple).
Cependant, si le candidat acquéreur n’obtient pas le crédit par son comportement fautif (s’il n’a pas fait les démarches auprès des banques), la cour de cassation considère que la condition est acquise. La vente est formée (Civile 1 9 décembre 1992).
Il ne pourra revenir sur le contrat principal signé qu’en abandonnant les sommes versées à titre d’acompte (Civile 3 14 mars 2007).
L’interdépendance du contrat de crédit avec le contrat principal est également applicable au crédit à la consommation. On parle alors de crédit à la consommation affecté ou lié.
Le législateur a prévu que :
- Les obligations de l’emprunteur ne prendraient effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de service (L.311-31).
- Si le candidat emprunteur exerce son droit de rétraction du contrat de crédit, le contrat principal sera résolu de plein droit (L.311-36).
- S’il décide d’exercer son droit de rétraction du contrat de vente ou de prestation de service, le contrat de crédit sera résolu de plein droit (L.311-38).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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