I/ durée des fonctions du liquidateur amiable
Aux termes de l’article L. 237-21 al.1 : « La durée du mandat du liquidateur ne peut excéder trois ans. Toutefois, ce mandat peut être renouvelé par les associés ou le président du tribunal de commerce, selon que le liquidateur a été nommé par les associés ou par décision de justice ».
Cette durée de trois ans vaut pour les liquidations « légales » comme pour les liquidations « conventionnelles ».
Se pose toutefois la question du caractère d'ordre public de la règle dans le cas des liquidations conventionnelles, à savoir si les parties peuvent y déroger par un accord lors d’une liquidation amiable.
Bien que la jurisprudence se soit par le passé prononcée plutôt en faveur du caractère supplétif de cette règle (Com. 23 nov. 1993, n° 91-21.252 ; Com. 3 mai 2006, n° 04-11.784 ; et surtout Com. 23 mai 2006, n° 05-11.784 : « à défaut de durée prévue dans l'acte de désignation du liquidateur ou dans les statuts ou, encore, de renouvellement à leur terme, les fonctions du liquidateur prennent fin à l'expiration du délai de trois ans prévu par la loi.»), on ne peut être certain de l’importance de la marge de manœuvre laissée aux associés.
De toute évidence, la dérogation à la durée légale suppose une décision ou une stipulation univoque et précise.
Un récent arrêt de la Cour de cassation donne une interprétation pratique de cet article (Com. 18 janvier 2011, n° 10-11.624).
Il est précisé que la désignation « pour la durée de la liquidation » ne confère nul pouvoir au liquidateur de se maintenir en fonction au-delà de trois ans pour peu que la liquidation se prolonge.
Sans renouvellement intervenu impérativement avant l'échéance légale le liquidateur perd donc toute qualité pour représenter la société en liquidation.
Cependant, la Cour n’ayant jamais affirmé la validité d’une stipulation fixant une durée précise mais supérieure à trois ans, on ne sait si l’article L. 237-21 est applicable (limitant la durée à trois années), ou s’il ne s’applique qu’en cas de liquidation judiciaire.
II/ la responsabilité du liquidateur amiable
Les dispositions de l'article L. 237-12 du code de commerce ne s'appliquent qu'aux personnes investies de la qualité de liquidateur d'une société dissoute.
La responsabilité du liquidateur amiable est donc régie par des dispositions spécifiques qui ne peuvent être appliquées aux personnes n'ayant pas cette qualité.
C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans arrêt rendu par la chambre commerciale le 23 mars 2010 (n° 09-13.666).
En l’espèce, la Cour d’Appel avait condamné in solidum le liquidateur amiable ainsi qu’un tiers (liquidateur de fait) à payer des dommages-intérêts au demandeur pour des fautes commises postérieurement à la dissolution de la société.
La Cour avait écarté l’application des articles 1382 et 1383 pour le tiers au motif que : « dès lors qu'une action en responsabilité ne peut être fondée sur ces textes généraux lorsqu'elle concerne des actes commis par les représentants légaux d'une société commerciale dont la responsabilité est expressément prévue et réglementée par les dispositions spéciales du code de commerce, en l'occurrence celles de l'article L. 237-12 ».
La Cour de cassation casse l’arrêt attendu « qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. Michel n'avait pas été investi de la qualité de liquidateur de la société, la cour d'appel a violé par fausse application le second des textes susvisés et, par refus d'application, le premier de ces textes ».
Cette solution confirme la distinction à opérer entre responsabilité professionnelle et responsabilité de droit commun.
Cependant, le refus d’une condamnation in solidum du liquidateur et du tiers fautif est une charge supplémentaire pour le justiciable.
La victime peut donc agir contre le liquidateur judiciaire et contre le tiers liquidateur de fait, mais elle doit bien veiller à le faire sur deux fondements différents, la Cour refusant d’assimiler le liquidateur de fait à un liquidateur de droit.
Cette solution est symétrique à celle rendue récemment dans l’affaire du Crédit Martiniquais (Com. 30 mars 2010, n° 08-17.841), où la Cour avait là aussi refusé d'assimiler les dirigeants de fait aux dirigeants de droit.
En cas d’insuffisance d’actif
Dans une liquidation conventionnelle, le liquidateur amiable doit apurer intégralement le passif et garantir par une provision les créances litigieuses, jusqu’au terme des procédures en cours.
S’il s’avère que l’actif social est insuffisant pour couvrir le montant des condamnations prononcées à l’encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société.
Rappelons en outre que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre d'un liquidateur n'a pu commencer à courir que du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice.
Ces principes ressortent d’un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 11 octobre 2005, où il a été sanctionné le fait de ne pas avoir attendu la décision judiciaire relative au paiement d'une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts pour clôturer la procédure de liquidation.
En l’espèce un salarié licencié d’une société avait demandé au Conseil de Prud’hommes en 1984 le paiement d’une indemnité contractuelle de dommages-intérêts.
Cette demande fut accueillie par un jugement du 25 octobre 1991 et confirmée par un arrêt du 31 janvier 1995.
Mais en 1987, les actionnaires avaient décidé de la dissolution de la société, et la liquidation clôturée par le liquidateur le 19 décembre 1989, l'avis de clôture a été publié le 2 février 1990 et la société radiée du registre du commerce et des sociétés le 13 février 1990.
L’héritière du salarié n’a donc pu obtenir le paiement des sommes dues et a assigné le liquidateur en responsabilité, par acte du 3 septembre 1996.
La Cour de cassation devait répondre à deux questions :
- Etablir si le liquidateur est responsable du préjudice résultant de l'omission d'une créance litigieuse alors que l'actif existant au jour de la liquidation n'aurait pas permis le désintéressement du créancier.
- Etablir le point de départ de la prescription triennale de l'action en responsabilité.
Dans son attendu, la Cour de cassation énonce d’abord que « qu'après avoir exactement énoncé que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité engagée à l'encontre du liquidateur n'a pu commencer à courir que du jour où les droits de la victime du fait dommageable imputé à ce liquidateur ont été définitivement reconnus par une décision de justice et relevé qu'en l'espèce, c'est par arrêt du 31 janvier 1995 que le montant de la créance de Mme Gannaz a été définitivement fixé, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action, introduite par acte d'huissier du 3 septembre 1996, n'était pas éteinte par la prescription », et qu’en conséquence l’héritière était dans les délais.
Ensuite, sur le second moyen, « attendu que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ; qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société ».
C’est par ces motifs que la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur, qui « s'était fautivement abstenu de garantir par une provision la créance de [l’héritière du salarié] et [la Cour d’Appel] exactement retenu qu'il ne pouvait opposer à celle-ci une insuffisance d'actif de la société lors de la liquidation ».
Les obligations du liquidateur amiable
A la suite de cet arrêt, on peut lister les différentes responsabilités incombant au liquidateur.
La responsabilité civile du liquidateur peut être recherchée pour toutes les fautes dommageables commises dans l'exercice de ses fonctions (art. L. 237-12 al. 1er, c. com. ; ex. art. 400 al. 1er, loi du 24 juill. 1966), ce qui ne déroge pas au droit commun de la responsabilité (art. 1382, c. civ.).
C’est ainsi une faute d’abstention qui était sanctionnée en l’espèce, or la liquidation amiable impose d'apurer intégralement le passif, en provisionnant les créances litigieuses.
- Apurer le passif
Liquider impose d'apurer le passif : la dissolution entraîne la liquidation (art. 1844-8 al. 1er, c. civ.).
Le liquidateur doit poursuivre les opérations consécutives à la dissolution, notamment réaliser l'actif social pour éteindre les dettes sociales.
Si le passif n'est pas réglé, les associés ne peuvent recevoir ni le remboursement de leurs apports ni un boni de liquidation.
- Provisionner les créances litigieuses
La Chambre commerciale nous rappelle dans l’arrêt commenté que « les créances litigieuses » doivent « jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision ».
Le liquidateur est fautif s'il omet sciemment la créance.
Ce principe de responsabilité du liquidateur est intangible, ainsi qu'il ressort d'un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com. 9 mai 2001).
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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