la notion de modification du contrat de travail
Au préalable, il convient de préciser que si l’initiative de la modification est généralement le fait de l’employeur, rien ne s’oppose à ce qu’un salarié propose à son employeur un projet de modification.
En aucune manière, la proposition du salarié ne pourra être considéré comme fautive dès lors que le salarié ne refuse pas d’exécuter son contrat de travail aux conditions antérieures.
En revanche, le salarié qui, sans cesser totalement son travail, prend l'initiative d'exécuter le contrat de travail aux nouvelles conditions refusées par l'employeur commet une faute de nature à justifier son licenciement, éventuellement pour faute grave.
Le salarié ne doit pas prendre d’initiative sanas avoir obtenu l’autorisation de son employeur.
Les éléments de la rémunération :
La rémunération est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié, de quelques manières que ce soit. (Soc 19 mai 1998).
La rémunération contractuelle ne peut pas être modifiée sans l'accord du salarié (Cass. soc., 28 janv. 1998), même si l'employeur prétend que le nouveau mode de rémunération est plus avantageux (Cass. soc., 19 mai 1998).
Cela inclut le salaire mensuel, le taux horaire et le mode de calcul de la rémunération, même si l’employeur prétend que ce dernier est plus avantageux que le précédent. (Soc 5 mai 2010).
Par exemple, quand une prime acquiert un caractère contractuel, elle ne peut plus être modifiée unilatéralement par l'employeur (Cass. soc., 5 janv. 1999 : Dr. soc. 1999, p. 569). En revanche, une prime issue d'un usage d'entreprise ou d'un engagement unilatéral peut être remise en cause si la dénonciation est régulière (Cass. soc., 25 févr. 1988
Il est aussi interdit pour un employeur de sanctionner pécuniairement un salarié. Si le salarié a commis une faute, l’employeur peut choisir de le punir par plusieurs façons mais jamais en réduisant son salaire.
Il existe cependant dans certains contrats de travail des clauses de variations de rémunération qui permettent de faire varier le salaire d’un employé. Elles sont autorisées mais sous certaines conditions. (Soc 2 juillet 2002). Ces variations doivent être basées sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur, ne doivent pas faire porter le risque de l’entreprise sur l’employé et ne doivent pas faire passer la rémunération totale en dessous des minima légaux et conventionnels.
Le temps de travail :
les horaires :
Le changement d’horaires relève du pouvoir de direction et celui ci peut donc l’imposer au salarié. (Soc 22 février 2000)
Exceptions : - si le contrat de travail contient une clause horaire, pas simplement une clause informant des horaires de l’entreprise mais une réelle clause horaire, alors l’employeur devra demander l’accord du salarié avant de changer ses horaires.
- la modification dans la structure des horaires n’est pas possible sans l’accord de l’employé. Il s’agit par exemple de faire passer un employé d’un horaire de jour à un horaire de nuit.
La Cour de Cassation a rendu un arrêt en date du 22 septembre 2009 dans lequel elle indique « que le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié, nonobstant une clause de variabilité d'horaires qui ne peut avoir pour effet d'imposer une telle modification » (Cass. soc., 22 sept. 2009, n° 08-43.034, F-D, Hesloin c/ Sté Netto décor propreté ).
- Le lieu de travail
Depuis un arrêt du 16 décembre 1998, la Cour de Cassation considère qu'un changement de lieu de travail ne constitue pas une modification du contrat de travail, dès lors que le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que l'ancien (Cass. soc., 16 déc. 1998).
En pratique, cela signifie que l’employeur pourra imposer un changement de lieu de travail à l’intérieur du même secteur géographique que l'ancien en raison de son pouvoir de direction et ne sera, en aucune manière, tenu de requérir un quelconque accord du salarié.
La Cour de cassation a cependant jugé que le refus du salarié de se rendre sur son nouveau lieu de travail, ne constituait pas nécessairement une faute grave, tout dépend de la situation personnelle du salarié. L'appréciation se fait cette fois de manière subjective, in concreto (Cass. soc., 21 janv. 2009, n° 07-41.690, M. c/ Sté Petit Véhicule. – Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-41.041, Caisse de crédit agricole Alsace Vosges c/ H.).
La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.
En l’absence de toute clause : Il existe le critère du secteur géographique.
Le fait de changer l’affectation d’un employé d’un lieu à un autre à l’intérieur d’un même secteur géographique n’entraine pas la modification du contrat de travail.
Ce secteur doit s’apprécier de manière objective, indépendamment de la situation personnelle du salarié, contrainte familiale etc…
La cour a cependant admis que les juges du fond pouvaient se fonder sur la distance séparant les deux lieux de travail et leur desserte par les transports en communs pour déterminer s'il y avait modification du contrat de travail (Cass. soc., 25 janv. 2006), en fonction de la distance kilométrique entre les deux lieux de travail et la facilité de dessertes offertes par les réseaux de transport en commun (CA Versailles 3 février 2010).
La Cour de Cassation a admis dans un arrêt en date du 3 juin 2003 que « la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information, à moins qu'il ne soit stipulé par une clause claire et précise que la salariée exécutera son travail exclusivement dans ce lieu » (Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43.573, Sté Résoserv c/ Q)
En définitive, il y aura une modification du contrat de travail dès lors que l’une des deux conditions suivantes est remplie,
- existence dans le contrat de travail d'une clause aux termes de laquelle le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.
- la nouvelle affectation du salarié est située dans un secteur géographique différent.
Très récemment, la Haute Cour a été amenée à se prononcer sur le détachement temporaire d’un salarié en dehors de son secteur géographique et a posé des conditions restrictives afin de protéger les droits du salarié tout en permettant à un employeur de muter temporairement son salarié.
La Cour de Cassation a jugé que « Si l'affectation occasionnelle d'un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n'en est ainsi que lorsque les conditions suivantes sont remplies :
- la nouvelle affectation doit être motivée par l'intérêt de l'entreprise,
- elle doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles,
- le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l'affectation et de sa durée prévisible. »(Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 08-70.368, F-D, Graillot c/ SAS Vigimark).
Dans cette espèce, l'employeur avait informé la salariée seulement deux jours avant sa nouvelle affectation. L'information était donc intervenue brutalement, sans respect d'un préavis raisonnable permettant à la salariée de s'organiser.
- Le changement de qualification:
Dans de nombreux cas, l’employeur impose à un salarié un changement dans l’accomplissement de ses tâches, ce qui entraîne un changement de qualification et parfois même de responsabilité.
La création d'un échelon hiérarchique intermédiaire n'entraîne en soi aucun déclassement du salarié et donc aucune modification de son contrat de travail.
L'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, pouvant changer les conditions de travail d'un salarié, la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail
Le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, ne constitue pas à lui seul une faute grave. (Cass. soc., 12 mai 2010)
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements complémentaires.
Maître Joan DRAY
joanadray@gmail.com