Dans un souci de protéger la personne physique ou morale qui s’est portée caution au titre d’un acte de cautionnement, la loi du 1er mars 1984 est venue imposer aux établissements de crédit une obligation d’information annuelle des cautions.
A ce titre, les établissements de crédit sont tenus de renseigner annuellement les cautions sur l’engagement qu’ils ont souscrit et sur le montant restant dû par ces dernières en principal, intérêts, frais et accessoires.
Néanmoins, ceux-ci ne s’acquittent pas toujours de cette obligation qui leur incombe.
Quelles sont alors les règles applicables en matière de preuve, sanction en cas de non respect de cette obligation par l’établissement de crédit?
C’est l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier qui prévoit cette obligation d’information.
Celui-ci dispose que « les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement.
Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information».
L'alinéa 2 de l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier a été complété par la formule suivante « les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette» (L. no 99-532, 25 juin 1999, art. 114; C. mon. fin., art. L. 313-22).
Dans un arrêt récent rendu le 11 octobre 2011, les juges ont eu à se prononcer sur cette obligation d’information annuelle imposée aux établissements de crédit et qui appelle donc les banques à la vigilance.
En l’espèce, la Banque populaire du Nord a consenti deux prêts professionnels à la société Opaline dont la gérante, Mme X..., s'est rendue caution solidaire.
A la suite de la liquidation judiciaire de cette société, Mme X... a été assignée par la banque en exécution de ses engagements.
La Chambre commerciale de la Cour de Cassation a estimé que lorsqu’une personne caution est condamnée à exécuter son engagement, l’établissement de crédit est tenu de respecter certaines obligations et notamment celle relative à l’information annuelle des cautions jusqu’à l’extinction de la dette garantie (Cass. com. 11 octobre 2011, pourvoi n° 10-25862).
Cela signifie donc que même si l'entreprise cliente de la Banque fait l'objet d'une liquidation judiciaire, la Banque demeure, malgré tout tenue de continuer à adresser chaque année une lettre d'information à la caution et de pouvoir en justifier.
Les établissements de crédit ayant accordé à une entreprise un concours financier sous la condition d’un cautionnement doivent donc se conformer aux prescriptions de l’article L313-22 jusqu’à l’extinction de la dette garantie.
Un jugement définitif condamnant une caution à exécuter son engagement ne les relève pas de certaines de leurs obligations.
La preuve de l’information annuelle
La jurisprudence prévoit que le créancier est tenu de démontrer qu'il a bien exécuté son devoir d'information. Cette preuve peut être apportée par tous moyens (Cass. com., 17 juin 1997 : JCP E 1997, II, 1007, note D. Legeais).
Le créancier doit démontrer que le document adressé à la caution contenait bien les informations exigées.
La Cour de cassation considère, en effet, qu’ « il n'incombe pas à l'établissement de crédit de prouver que la caution a effectivement reçu l'information envoyée » (Cass. 1re civ., 25 nov. 1995).
Par arrêt du 26 octobre 1999, la Cour de cassation a jugé que l'établissement de crédit n'avait pas à prouver l'envoi de la lettre d'information si aucun élément ne permettait d'en douter (Cass. com., 26 oct. 1999 : JCP G 2000, I, 257, n° 8, obs. Ph. Simler).
L’article 1315 alinéa 2 du Code civil exige que le débiteur de l'information c’est à dire l’établissement bancaire rapporte une double preuve : celle de l'envoi et celle du contenu de l'information.
L’information n’est soumise à aucun formalisme particulier.
Cela signifie donc que l'information peut être donnée par simple lettre.
Sanctions applicables en cas de non respect de l’obligation
La conséquence du non respect de cette obligation imposée aux établissements de crédit est la suivante : ceux-ci se retrouvent privés du droit de réclamer les intérêts à la caution depuis la précédente information jusqu'à la communication de la nouvelle information.
En l'absence d'information, la déchéance prend donc effet non à la date de l'engagement de la caution, mais à celle où l'information aurait dû être donnée pour la première fois, donc au 31 Mars suivant la date de l'engagement (Cass. com., 6 juin 1995, n° 93-15.242 : Juris-Data n° 1995-004278).
La déchéance prend effectivement fin dès lors que l'information légale est fournie.
En l'absence de justification de l'information donnée aux cautions par application de l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, la déchéance est strictement circonscrite aux intérêts au taux conventionnel.
La déchéance ne s'applique, conformément à la lettre du texte, qu'aux seuls intérêts, et non à d'autres accessoires de la dette, tels que des commissions (CA Paris, 24 avr. 1998 : Juris-Data n° 1998-021555).
Aucune déchéance n'est encourue pour les intérêts légaux ayant commencé à courir à compter de la mise en demeure de la caution.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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