Le pouvoir du copropriétaire pour contester le refus de l’assemblée générale : une autorisation judiciaire des travaux
Suite au refus de l’assemblée générale d’autoriser la réalisation de travaux ayant pour conséquence d’affecter « les parties communes ou de ou l'aspect extérieur de l'immeuble », le copropriétaire peut saisir le juge aux fins d’obtenir une autorisation judiciaire.
Cependant, il faut que la décision de l’assemblée générale soit définitive.
En effet, la Cour de cassation a jugé que ce n'est qu'après un refus définitif du syndicat que le copropriétaire demandeur pourrait saisir le tribunal habilité pour délivrer l'autorisation (Cass. 3e civ., 30 juin 1992).
Cela signifie que le refus d’autoriser les travaux doit avoir été obtenu soit lors de la première assemblée à la majorité absolue, soit lors de la seconde assemblée à la majorité simple de l’article 24 (article article 25-1 de la loi de 1965).
En application de l’article 30 alinéa 4, « Lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25, b, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal de grande instance à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er ci-dessus. »
Dans la pratique, il arrive souvent que l 'Assemblée Génarle refuse d'autoriser les travaux d'améliorations souhaités par le copropriétaire au motif que cela porterait atteinte aux parties communes ou à la destination de l'immeule.
Bien évidemment, un copropriétaire qui se voit opposé un refus, a le droit de contester en justice le refus d'autorisation et de solliciter une autorisation judiciaire.
I/ Les modalités du recours
Les travaux pouvant être autorisés
L’alinéa 4 de l’article 30 fait référence aux travaux de l’alinéa 1 du même article.
Cet alinéa renvoie aux travaux que le syndicat de copropriété peut réaliser à ses frais ; ce sont les travaux d’améliorations.
Dans un premier temps, la jurisprudence considérait que les travaux pouvant être autorisés par le juge étaient différent de ceux de l’article 25 b.
Cependant, aujourd’hui, la jurisprudence entend la notion d’ « améliorations » au sens large.
Les travaux n’ont pas nécessairement à avoir un intérêt pour la collectivité.
En effet, il faut prendre en compte les travaux d'intérêt particulier qui affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, dès lors qu’ils apportent une amélioration au regard soit de l'immeuble, soit des parties privatives du demandeur.
Les juges ne pourront pas statuer sur une demande d’autorisation de travaux, ayant pour conséquence de modifier le règlement de copropriété ou de s’approprier les parties communes, refusée par l’assemblée générale.
- Les conditions de la saisine du Tribunal
- Relatives aux parties
Seules les copropriétaires ont qualité pour saisir les Tribunaux.
La jurisprudence a ajouté une condition : le propriétaire doit avoir la qualité de propriétaire indivis des parties communes ou de l'élément d'équipement dont il sollicite l'aménagement à son profit (Cass. 3e civ., 21 février 1978 – Cour d’Appel de Paris, 18 décembre 1980).
Dans le cas d’une SCI, les associés ne peuvent pas saisir le Tribunal pour contester le refus opposé par l’assemblée générale.
Seule la société peut le faire.
- Relatives aux travaux et à leur autorisation
La loi impose deux conditions pour que le tribunal soit valablement saisi de la demande d'autorisation.
Il faut :
- d'une part justifier d'un refus de l'assemblée générale ;
Pour que le tribunal soit valablement saisi, il est donc indispensable de justifier que l'assemblée générale a, au préalable, opposé un refus formel à la demande d'autorisation qui lui a été présentée par le ou les copropriétaires désireux d'entreprendre les travaux (Cass. 3e civ., 26 janvier 2000 : JurisData n° 2000-000349 – Cour d’Appel de Paris, 12 janvier 2006 :JurisData n° 2006-290901).
L’assemblée générale peut avoir décidé le refus à la majorité absolue de l’article 25 et dans ce cas, le copropriétaire peut saisir le tribunal.
Par contre, si elle n’a pas pu se mettre d’accord à la majorité absolue, il faut qu’une seconde assemblée générale soit réunie. C’est seulement si cette dernière a opposé un refus aux travaux que le copropriétaire peut saisir le Tribunal.
Lorsque l’assemblée générale demande des informations complémentaires et sursoit à statuer, cela n’équivaut pas à un refus sauf si elle cherche à gagner du temps.
Les juges ne peuvent se substituer à l'assemblée générale pour accorder l'autorisation prévue par l'article 30, dernier alinéa, qu'en cas de refus de cette assemblée.
- d'autre part, ne pas entreprendre les travaux avant l'engagement de la procédure.
Le tribunal ne peut accueillir une demande d'autorisation de travaux que si le copropriétaire intéressé ne les a pas déjà entrepris.
En effet, le juge peut délivrer une autorisation de réaliser des travaux en posant des conditions.
Or si les travaux ont déjà débuté les conditions posées par le juge ne pourraient pas être respectées.
- La forme de la saisine et le délai
Le tribunal de grande instance doit être saisi par un ou plusieurs copropriétaires sous forme d'une assignation du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic à l'encontre du refus de l'assemblée générale d'autoriser les travaux.
La compétence du tribunal de grande instance est exclusive ; le juge des référés n'a aucune qualité pour donner l'autorisation (Cour d’Appel de Paris, 13 janvier 1999 : JurisData n° 1999-020063).
C’est le tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble qui doit être saisi.
Dans un premier temps, la Cour de cassation considérait que sous peine de forclusion, le ou les copropriétaire(s) ont un délai de deux mois pour saisir le Tribunal mois à compter de la notification de la décision de refus du syndicat.
Cependant, la Cour de cassation a réaffirmé le principe posé en 2009 selon lequel l'action introduite pour obtenir l'autorisation judiciaire d'exécuter les travaux projetés malgré le refus opposé n'est pas soumise au délai de deux mois prévu par l'article 42, alinéa 2, de la loi (Cass. 3e civ., 29 mars 2011, n° 10-14.426).
III/ Les pouvoirs du Tribunal
Le Tribunal de grande instance a pour mission de :
- contrôler la régularité ou de la légalité des résolutions de l'assemblée générale ;
- substituer la décision judiciaire à celle adoptée par le syndicat des copropriétaires.
Si la décision de refus n’est pas justifiée, le Tribunal peut substituer sa propre décision autorisant l'exécution des travaux s'il estime que ces derniers répondent effectivement au critère de l'amélioration au sens précédemment analysé (CA Paris, 30 janv. 1979 - CA Paris, 12 octobre 2006 : JurisData n° 2006-313532).
Par contre, le Tribunal peut estimer que le refus par l’assemblée générale est justifié notamment si les travaux portent atteinte à la destination de l’immeuble ou aux droits des autres copropriétaires.
Par exemple, la Cour d’appel a jugé que c'était sans abus de majorité que l'assemblée générale a refusé la restructuration des parties privatives, dès lors que le projet de division de l'ensemble des lots composant toute une cage d'escalier, en tant qu'il porte sur une augmentation de près de 42 pour cent du nombre des appartements, constitue une opération de grande ampleur dont la réalisation se traduira par une nécessaire augmentation de la fréquentation du hall d'entrée et des abords immédiats de l'immeuble et, subséquemment, par des nuisances auxquelles l'immeuble n'est pas confronté dans sa configuration actuelle (Cour d’appel de Versailles . 2009, SNC Les Locataires c/ Synd. 17/24 Place de l'Iris à la Défense : JurisData n° 2009-379397).
En principe, l'autorisation du Tribunal ne peut porter que sur les travaux refusés par l'assemblée générale.
Cependant, il a été admis qu’il pouvait prendre en compte des travaux supplémentaires préconisés dans le cadre d'une expertise judiciaire pour améliorer le projet initial dont le contenu n'est pas altéré (TGI Nanterre, 14 octobre 1994).
Lorsque le Tribunal autorise la réalisation des travaux, il peut désigner un expert qui aura pour mission de vérifier que les travaux sont faits dans les règles de l’art.
Le copropriétaire qui a sollicité les travaux prend e charge toutes les dépenses.
Le Tribunal peut contraindre le copropriétaire à paye rune indemnité au syndicat de copropriété ou à un autre copropriétaire lorsque les travaux leur cause un préjudice.
IV/ L’utilisation des travaux réalisés par d’autres copropriétaires
L’article 30 denier alinéa prévoit que « Le tribunal fixe en outre les conditions dans lesquelles les autres copropriétaires pourront utiliser les installations ainsi réalisées ; lorsqu'il est possible d'en réserver l'usage à ceux des copropriétaires qui les ont exécutées, les autres copropriétaires ne pourront être autorisés à les utiliser qu'en versant leur quote-part du coût de ces installations, évalué à la date où cette faculté est exercée. »
Il faut distinguer deux hypothèses :
- Les installations réalisées sont destinés à l’usage de tous les copropriétaires : le Tribunal détermine les conditions moyennant lesquelles d'autres copropriétaires pourront également les utiliser.
- Les installations réalisées sont destinés à l’usage du seul copropriétaire ayant sollicité les travaux : un nouvel utilisateur doit verser sa quote-part du coût de l'installation dont il entend se servir, réévalué à la date de sa demande.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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