Il arrive parfois qu’un salarié se trouve contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et ce, en raison des manquements de son employeur (défaut de versement du salaire, ..).
Dans ce cas, le salarié prend ainsi l'initiative de la rupture mais en impute, à tort ou à raison, la responsabilité à l'entreprise.
La prise d’acte est un mode autonome de rupture, ce qui la distingue de la démission.
De plus en plus de salariés considèrent que les manquements de leur employeur justifient leur départ de l’entreprise.
Avant d’envisager un tel départ, il est utile de connaître la jurisprudence en la matière.
Nous verrons dans un premier temps les circonstances qui entourent la prise d’acte (I), avant d’envisager ses effets et les conséquences juridiques (II).
I/ les circonstances de la prise d’acte
Il convient de préciser que la prise d’acte ne saurait s’assimiler à une démission.
En effet, celle-ci se définit comme une manifestation claire et non équivoque de mettre fin à la relation contractuelle.
Dans le cas d’une démission, le salarié quitte l’entreprise parce qu’il le veut, en revanche dans le cadre d’une prise d’acte, il est contraint de quitter l’entreprise.
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat à une date donnée, il doit établir par écrit d’une part, qu’il constate la rupture de son contrat, et d’autre part, indiquer de manière détaillée les circonstances de faits qui l’ont conduit à prendre cette décision.
Dans ce cas, le salarié n’est pas tenu d’exécuter son préavis, puisqu’il a déjà constaté la rupture.
La plupart du temps, le salarié va saisir le conseil des prud'hommes pour obtenir la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :
- l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
- l'indemnité compensatrice de préavis,
-l’allocation de dommages et intérêts pour rupture abusive (licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Les manquements reprochés à l’employeur sont divers et peuvent consister en une modification du contrat de travail, non versement de salaires, manquement aux règles d’hygiène etc….
Les conséquences de la prise d’acte sont importantes et déterminent s’il ya lieu ou non à indemnisation à l’égard du salarié.
2/Les conséquences de la prise d’acte
La jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur les conséquences de la prise d’acte dans un arrêt du 25 juin 2003.
« Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission » (Cass. soc., 25 juin 2003).
Le salarié doit donc être prudent avant d’envisager une telle rupture, il doit mesure les conséquences d’une telle décision.
En définitive, si le juge estime que les manquements reprochés à l’employeur sont suffisamment graves et constituent des violations de ses obligations contractuelles, la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans le cas contraire, il s’agira d’une démission et le salarié peut être condamné à verser l’indemnité compensatrice de préavis.
Pour produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il semble donc que la prise d'acte doit au moins être justifiée par des comportements rendant impossible la poursuite des relations contractuelles tels que des pressions, des mesures vexatoires.
Il faut donc un manquement suffisamment grave et non véniel.
Quel que soit l’attitude de l’employeur, la salarié pourra lui réclamer son solde tout compte, son certificat de travail et son attestation Assedic.
Il faut néanmoins préciser que la prise d’acte du salarié en raison de fautes imputables à l’employeur, ne le libère pas des obligations qu’il a contractées lors de la signature de son contrat de travail.
Ainsi, en présence d’une clause de non concurrence, le salarié devra veiller à respecter les engagements qu’il a souscrit, quand bien même, il aurait pris acte de la rupture de son contrat en raison des agissements fautifs de son employeur.
Dans un arrêt récent en date du 3 novembre 2010, La cour de Cassation a estimé que l'employeur qui refuse de fournir un travail à son salarié constitue un manquement grave et que le salarié est donc en droit de se prévaloir de la prise d'acte de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Lorsque l'employeur manque à son obligation de fournir le travail convenu au salarié, la prise d'acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.( Cass. soc. 3 novembre 2010 n° 09-65.254 (n° 2117 F-PB), Kaddache c/ Sté Normande de presse d'édition).
Il faut préciser qu’en l’état de la jurisprudence actuelle, les griefs mentionnés par le salarié dans la lettre de prise d’acte ne fixent pas définitivement le litige contrairement à la lettre de licenciement.
Il sera sans doute permis au salarié de faire état d’autres manquements devant le Conseil des Prud’hommes.
Compte tenu de l’aléa judicaire et des risques encourus par le salarié si la rupture s’analysait en une démission, le salarié pourra avoir intérêt à faire une démission motivée.
Dans ce cas, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail mais prend la précaution d’accomplir son préavis.
En résumé, avant d’entreprendre une prise d’acte de son contrat de travail, le salarié doit s’assurer au préalable que les faits qui le justifient sont d’une importance tels qu’ils rendent impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Je me tiens à votre disposition pour toutes informations complémentaires.
Maître Joan DRAY
Avocat à la Cour.