La révocation du gérant d’une Société Civile
En vertu de l'article 1851, alinéas 1 et 2 : « Sauf disposition contraire des statuts le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à dommages-intérêts.
Le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
Sauf clause contraire, la révocation d'un gérant, qu'il soit associé ou non, n'entraîne pas la dissolution de la société. Si le gérant révoqué est un associé, il peut, à moins qu'il n'en soit autrement convenu dans les statuts, ou que les autres associés ne décident la dissolution anticipée de la société, se retirer de celle-ci dans les conditions prévues à l'article 1869 (2ème alinéa) ».
Les associés ont deux possibilités pour révoquer un gérant ; soit ils prennent une décision collective de révocation (I), soit un ou plusieurs associés saisissent le juge (II).
I/ La révocation par les associés
- Les règles de majorité
Le principe posé est que, sauf disposition contraire des statuts, le gérant est révocable par une décision des associés représentant plus de la moitié des parts sociales.
La majorité fixée par l’alinéa 1 de l’article 1851 du Code civil n’est pas impérative.
Les statuts peuvent prévoir l’unanimité des associés, une majorité plus forte…
La décision de révocation doit être prise par les associés, en assemblée ou non, et si les statuts l'autorisent, par consultation écrite (C. civ., art. 1853).
Le gérant, s'il est associé, participe au vote de l'assemblée ou à la consultation écrite. En effet, aucune disposition expresse du texte ne le lui interdit ; par ailleurs, les statuts ne sauraient lui retirer l'exercice de ce doit fondamental que constitue pour tout associé, le droit de vote (cf. C. civ., art. 1844).
Si le gérant est majoritaire en capital ou s'il dispose du nombre de parts suffisant pour atteindre la majorité renforcée fixée par les statuts, il sera maître de la décision et ne pourra être révoqué.
Cependant, les autres associés pourront toujours demander la révocation de ce gérant devant le Tribunal s’ils peuvent invoquer un motif légitime.
- La nécessité d’un juste motif
La notion de juste motif n’est pas définie par la loi. L’appréciation du juste motif est laissée à l’appréciation des juges du fond.
Les juges exigent que les justes motifs soient fondés sur des éléments objectifs.
Il y aura juste motif si le gérant a commis une faute volontaire dans la gestion de la société, une imprudence ou négligences graves pour la société.
Par exemple, il y aura u juste motif de révocation lorsque le gérant ne respecte pas les dispositions législatives ou règlementaires telles que la nécessité d’obtenir une autorisation des associés pour procéder à une augmentation de capital (Cour d’Appel de Dijon, 2 novembre 1955).
Il en est de même si le gérant viole les dispositions du statut de la société.
En outre, constitue un juste motif de révocation l’intérêt social de la société, même si aucune faute ne peut être imputée au gérant.
La simple volonté des associés de changer de gérant ne suffit pas à prononcer la révocation encore faut-il qu’il y ait une cause légitime.
Dans l’hypothèse d’une révocation décidée par les associés, le gérant révoqué ne peut pas demander en justice l’annulation de cette décision en invoquant le fait qu’il n’y a pas de juste motif.
Il pourra seulement solliciter des dommages et intérêts si la révocation a été décidée sans juste motif (article 1851, al. 1er du Code civil).
Il a été jugé qu’une clause statutaire écartant l’indemnisation même en cas d’absence de juste motif pouvait être prévue (Cass. 3e civ., 6 janvier 1999 : Juris-Data n° 1999-000018).
Cependant cette position n’est pas encore fixée et est critiquée.
- Les effets de la révocation
- A l’égard des autres gérants et des associés
La révocation prend effet immédiatement.
Le gérant révoqué perd ses fonctions et donc ses pouvoirs.
Il ne reçoit plus de rémunération et n’est plus responsable
- A l’égard de la société
L'alinéa 3 de l'article 1851 du Code civil affirme que : "Sauf clause contraire, la révocation d'un gérant, qu'il soit associé ou non, n'entraîne pas la dissolution de la société".
La révocation du gérant, statutaire ou non, n’entraine pas la dissolution de la société.
Cependant, les statuts peuvent prévoir le contraire.
- A l’égard des tiers
La révocation et donc la cessation des fonctions du gérant doit être publié pour que cette décision soit opposable aux tiers (alinéa 2 de l'article 1846-2 du Code civil).
Par conséquent, il a été jugé que « lorsqu'en violation de l'article 1846-2 du Code civil et de l'article L. 123-9 du Code de commerce, aucune mention au RCS ne fait état de la démission du gérant d'une SCI, et de la nomination de son successeur à ces mêmes fonctions, il appartient au gérant démissionnaire de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article 20 du décret du 3 juillet 1978 (désignation par le président du tribunal de grande instance, à la demande de tout intéressé, d'un mandataire, faute de régularisation de la situation par la société dans le mois suivant l'envoi d'une mise en demeure), pour qu'il soit procédé à ces formalités de publicité. À défaut, la démission du gérant est inopposable aux tiers, notamment à la collectivité des créanciers, et le démissionnaire doit être débouté de sa demande tendant à faire juger qu'il n'a plus la qualité de gérant » (Cour d’Appel de Versailles, 22 février 2001).
Cependant, si la société prouve que les tiers avaient personnellement connaissances des changements de gérance, elle peut se prévaloir des nominations et cessations des fonctions (article L.123-9 alinéa 2 du Code de commerce.
- Le droit de retrait
L’alinéa 3 de l’article 1851 du Code civil prévoit une possibilité pour le gérant révoqué, associé, de se retirer.
S’il souhaite ne pas rester dans la société en tant qu’associé, le gérant révoqué a droit au remboursement de la valeur des droits sociaux, fixée, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du Code civil.
La loi ne précise pas le délai pendant lequel le gérant peut demander le remboursement de ses parts ; si les statuts n'ont rien prévu à cet égard, le ou les nouveaux gérants, agissant au nom de la société, pourront mettre en demeure le gérant révoqué de prendre parti dans le délai qu'ils fixeront
II/ La révocation judiciaire
En application de l'article 1851, alinéa 2, « le gérant est également révocable par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé ».
Cela permet aux associés minoritaires de révoquer le gérant.
Il est interdit dans les statuts d'empêcher les associés de demander la révocation judiciaire des gérants.
La révocation demandée au juge doit reposer sur une cause légitime, un juste motif.
L'action en révocation judiciaire n'est en aucun cas soumise à l'autorisation préalable des autres associés.
Suite de la révocation judiciaire, si la société se trouve privée de gérant, les associés devront en désigner un.
En attendant, le tribunal qui a procédé à la révocation peut nommer un administrateur provisoire ou désigner un mandataire aux fins de réunir une assemblée qui désignera un gérant.
La révocation judiciaire du gérant n’entraine pas la dissolution de la société sauf si une clause le prévoit.
Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.
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Joan DRAY
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