Après avoir étudié les parties à la saisie-immobilière et son objet dans un précédent article, nous nous intéresserons ici aux formalités de cette saisie, et plus particulièrement au commandement de payer.
Le commandement de payer est un acte essentiel de la procédure de saisie immobilière, puisque sa signification faite au débiteur engage la procédure d’exécution.
Avant d’étudier la nature de ce commandement et sa délivrance, rappelons ce qu’est la saisie-immobilière.
C’est une procédure permettant au créancier de faire saisir puis vendre un bien immobilier de son débiteur, pour obtenir ainsi le remboursement de sa créance.
C’est une voie d'exécution forcée judiciaire.
Selon l'article 2190 du Code civil, elle tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou le cas échéant du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix.
Selon l'article 2201 du Code civil, les biens sont vendus soit à l'amiable sur autorisation judicaire, soit par adjudication (vente forcée).
Est nulle toute convention portant qu'à défaut d'exécution des engagements pris envers lui, le créancier peut faire vendre les immeubles de son débiteur en dehors des formes prescrites pour la saisie immobilière.
Ainsi, parmi ces formes, se trouve le commandement de payer ; c’est l'acte par lequel il est fait sommation au débiteur d'acquitter le montant de sa dette sous peine d'y être contraint par la saisie ou la vente forcée de ses biens.
Selon l’article 17 du décret n°2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble, « le créancier poursuivant fait signifier un commandement de payer au débiteur principal. L'acte comporte la mention que le commandement de payer valant saisie prévu à l'alinéa ci-après est délivré au tiers détenteur », cet acte doit être signifié et comporter certaines mentions.
Selon l’article 4 de ce décret, cette signification engage donc la procédure d’exécution.
Dans cet article, nous verrons d’abord les formalités de droit commun nécessaires au commandement de payer, puis les formalités spéciales.
- Les formalités de droit commun
Le commandement à fin de saisie immobilière est un acte d'huissier de justice, en tant que tel, il est soumis aux formalités de droit commun des exploits d'huissier (CPC, art. 648) et il engage la responsabilité de l'officier ministériel qui le délivre.
L'article 15 du décret, qui régit la délivrance du commandement, indique que les mentions prévues par cet article sont prescrites à peine de nullité.
L'article 11 du décret énonce que la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière est régie par le Code de procédure civile, ce qui signifie que désormais les nullités sont régies par le droit commun, à savoir les articles 112 à 121 du Code de procédure civile.
Les articles 112 à 121 du Code de procédure civile distinguent les vices de forme (CPC, art. 112 à 116) et les irrégularités de fond (CPC, art. 117 à 121).
Les vices de forme ne sont sanctionnés par la nullité que lorsqu'ils sont de nature à engendrer un préjudice pour le défendeur (CPC, art. 114).
Ainsi, a-t-il été jugé que la méconnaissance de l'article 7 du décret du 27 juillet 2006 constituait un vice de forme ne pouvant entraîner une nullité de l'acte qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver l'existence d'un grief (CA Aix-en-Provence, 10 oct. 2007).
Pour les exceptions de nullités fondées sur l'inobservation des règles de fond, l'existence d'un grief relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 2e civ., 17 juill. 1978).
- Des formalités spéciales
Or les dispositions du droit commun, le commandement de payer délivré aux fins de saisie-immobilière doit également respecter des formalités spéciales, prévues à l’article 15 du décret.
Ces mentions spéciales sont justifiées par la volonté de renseigner le débiteur sur ses droits, et par le fait que le commandement est un acte d'exécution qui sera publié à la conservation des hypothèques ; nous allons en expliciter plusieurs, avant de vous livrer in extenso l’article 15 comprenant la liste complète des indications requises.
Le commandement doit comporter l'indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré.
Cette formalité est importante puisqu’elle permet de fonder l’acte ; en effet, le créancier peut opter pour cette procédure si et seulement si il dispose d’un titre exécutoire.
Lorsque le commandement est délivré en vertu d'une décision de justice, il est nécessaire que celle-ci ait été au préalable signifiée au débiteur sous peine de nullité du commandement.
Cette règle est d’une grande importance puisqu’en vertu de l’article 503 al.1 du Code de Procédure Civile, le défaut de signification préalable du titre exécutoire à celui auquel il est opposé constitue une fin de non-recevoir, aucune décision de justice ne pouvant être exécutée avant sa signification.
Ce qui, en conséquence, entraînerait la nullité du commandement aux fins de saisie immobilière (TGI Charleville-Mézières, 15 févr. 1980).
La formule exécutoire est une mention essentielle du titre, son omission enlèverait toute efficacité au commandement signifié en vertu de ce titre.
Le commandement doit également comporter le décompte des sommes réclamées en principal frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires (art. 15, 3° du décret).
La jurisprudence l’apprécie in concreto, c’est-à-dire au vu des pièces annexées au commandement, tel que le bordereau (Cass. 3e civ., 27 janv. 2010, n° 08-21.324).
Le commandement doit avertir le débiteur de ce qu'il doit payer lesdites sommes dans un délai de huit jours car à défaut de paiement, la procédure à fin de vente de l'immeuble se poursuivra et il sera assigné à comparaître à une audience du juge de l'exécution pour voir statuer sur les modalités de la procédure.
Il faut aussi que l’immeuble fasse l’objet d’une désignation précise, concernant sa nature, sa situation, sa contenance et sa désignation cadastrale.
La désignation est une mention prévue à peine de nullité du commandement, mais conformément à l'article 11 du décret, la non-observation des formalités relatives à la désignation des biens saisis ne sera sanctionnée par la nullité du commandement que si un grief est démontré.
Autrement dit, s’il manque certaines références mais que l’immeuble est néanmoins identifiable sans difficulté, la nullité du commandement ne sera pas encourue.
Enfin, le commandement soit aussi indiquer qu’il vaut saisie de l'immeuble et que le bien est indisponible, qu’il vaut saisie des fruits et le débiteur en est séquestre, et que l'huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l'immeuble.
Ces indications sont les plus importantes, vous pouvez vous reporter à l’article 15 du décret n°2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble pour prendre connaissance de la liste complète, article que nous reproduisons ci-dessous :
« Outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, le commandement de payer valant saisie comporte :
1° La constitution d'avocat du créancier poursuivant, laquelle emporte élection de domicile ;
2° L'indication de la date et de la nature du titre exécutoire en vertu duquel le commandement est délivré ;
3° Le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires ;
4° L'avertissement que le débiteur doit payer lesdites sommes dans un délai de huit jours, qu'à défaut de paiement, la procédure à fin de vente de l'immeuble se poursuivra et qu'à cet effet, le débiteur sera assigné à comparaître à une audience du juge de l'exécution pour voir statuer sur les modalités de la procédure ;
5° La désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilière, telle qu'exigée par les règles de la publicité foncière ;
6° L'indication que le commandement vaut saisie de l'immeuble et que le bien est indisponible à l'égard du débiteur à compter de la signification de l'acte et à l'égard des tiers à compter de la publication de celui-ci au bureau des hypothèques ;
7° L'indication que le commandement vaut saisie des fruits et que le débiteur en est séquestre ;
8° L'indication que le débiteur garde la possibilité de rechercher un acquéreur de l'immeuble saisi pour procéder à sa vente amiable ou de donner mandat à cet effet et la mention que cette vente ne pourra néanmoins être conclue qu'après autorisation du juge de l'exécution ;
9° La sommation, lorsque le bien fait l'objet d'un bail, d'avoir à indiquer à l'huissier de justice les nom, prénom et adresse du preneur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
10° L'indication qu'un huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de description de l'immeuble ;
11° L'indication du juge de l'exécution territorialement compétent pour connaître de la procédure de saisie et des contestations et demandes incidentes y afférentes ;
12° L'indication que le débiteur qui en fait préalablement la demande peut bénéficier, pour la procédure de saisie, de l'aide juridictionnelle s'il remplit les conditions de ressources prévues par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de ladite loi ;
13° L'indication, si le débiteur est une personne physique, que s'il s'estime en situation de surendettement, il a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers instituée par l'article L. 331-1 du code de la consommation.
Si le créancier saisissant agit en vertu d'une transmission, à quelque titre que ce soit, de la créance contenue dans le titre exécutoire fondant les poursuites, le commandement vise l'acte de transmission à moins que le débiteur n'en ait été régulièrement avisé au préalable.
Lorsque le commandement de payer valant saisie est signifié à la personne qui a consenti une hypothèque sur l'un de ses biens pour garantir la dette d'un tiers, le délai de sommation prévu au 4° est porté à un mois.
Les mentions prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. Toutefois, la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées sont supérieures à celles qui sont dues au créancier. ».
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Joan DRAY
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