DROITS DE SUCCESSION ET PARTENARIAT CIVIL CONCLU A L’ETRANGER
Pour la 1ere fois, un Tribunal se prononce expressément pour l’application de l’exonération de droits de succession en France à des personnes liées par un « Civil Partnership » de droit anglais.
Civil partnership : après la Belgique, le Canada, l’Espagne et les Pays-Bas, le Royaume-Uni est devenu lundi 5 décembre 2005 le cinquième pays au monde à autoriser les unions homosexuelles.
Le « Civil Partnership » (partenariat civil) confère aux couples gays des droits et des devoirs presque identiques à ceux du mariage. Les premières unions ont eu lieu le 19 décembre 2005 en Irlande du Nord, le 20 décembre 2005 en Écosse et le 21 décembre 2005 en Angleterre et au Pays de Galles. Au moins 1 200 cérémonies ont été programmées à travers le royaume dès l’adoption du texte, dont celles d’Elton John et de George Michael (chacun de leur côté !). Si cette nouvelle loi n’a suscité que peu de polémiques parmi la population, l’église anglicane, première du pays, a refusé de bénir ces unions.
Issu de la loi 2009-526 du 12 mai 2009, l’article 515-7 du Code civil permet aux partenariats civils régulièrement enregistrés à l’étranger de produire des effets en France.
Par l’application combinée des articles 796-0 bis du CGI et de l’article 515-7-1 du Code civil, le « Civil Partnership » de droit anglais conclu entre deux personnes produit pleinement ses effets juridiques et fiscaux en France.
L’exonération prévue à l’article 796-0 bis du CI est applicable et l’administration fiscales est donc condamnée à rembourser au contribuable les sommes déjà perçues au titre des droits de mutation afférents à la succession de son partenaire, outre les intérêts au taux légal par application de l’article 1153-1 du Code civil.
Décision : Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY 8 juin 2010 n°09-3968 : texte à paraître à la RJF 12/10 n°1239.
Cette décision est semble-t-il la première à faire application des dispositions de l’article 515-7-1 du Code civil en en tirant les conséquences en matière de droits de succession.
Il s’agissait en l’espèce d’une succession ouverte par le décès en France d’un des deux partenaires laquelle comportait un immeuble dans lequel les partenaires résidaient au moment du décès.
Le partenaire héritier avait déposé une déclaration de succession assortie d’une demande de paiement fractionné et versé des acomptes, puis, il avait demandé la restitution des droits versés en invoquant l’exonération prévue à l’article 796-0 bis du CGI.
L’administration avait rejeté sa demande, estimant que les conditions de l’exonération n’étaient pas remplies. Selon elle, l’application des dispositions relatives au PACS implique que les personnes ayant conclu auprès du Tribunal d’Instance une telle convention s’installent dans une résidence commune en France et y organisent leur vie matérielle, l’acquisition d’une résidence secondaire en France ne satisfaisant pas à cette exigence.
Selon le Tribunal de Grande Instance BOBIGNY, au contraire, il suffit que les effets du partenariat soient les mêmes que ceux du PACS et qu’il ne soit pas contraire à l’ordre public pour que l’exonération s’applique. En l’espèce, les pièces produites par l’héritier, en particulier une consultation d’un professeur de droit britannique, ont permis d’établir que ces conditions étaient réunies.
L’administration n’a pas fait appel.
Sur le plan fiscal, l’administration a tiré les conséquences de ce texte en assimilant ces partenariats au PACS, tant au regard de l’impôt sur le revenu que des droits de mutation à titre gratuit.
Il en résulte qu’en matière de droits de succession, les partenaires peuvent bénéficier de l’exonération de droits de mutation prévue à l’article 796-0 bis du CGI.
L’administration a ainsi précisé que deux ressortissants britanniques domiciliés en France et unis par un « Civil Partnership » enregistrée au Royaume Uni, bénéficient, en cas de décès de l’un d’eux, de l’exonération de droits de mutation par décès prévue à l’article 796-0 bis du CGI.
Maïlys DUBOIS
Avocat.