Depuis de quelques années, des groupes financiers rachètent des blocs d’immeuble de sorte que les locataires peuvent s’interroger sur les conditions d’opposabilité du bail au nouvel acquéreur.
Le locataire est en principe protégé en cas de vente du bien puisque l’article 1743 du Code civil pose le principe de l’opposabilité du bail en cours à l’acquéreur, sous réserve toutefois qu’il s’agisse d’un bail authentique ou ayant date certaine avant la vente.
La jurisprudence est venu assouplir ces exigences et considère que la simple connaissance du bail par l’acquéreur suffit à le lui rendre opposable.
Ainsi cet article a pour objet de rappeler les conditions dans lesquelles un bail est opposable au nouvel acquéreur et de préciser l’assouplissement de ces exigences par la jurisprudence.
1/ Le principe résultant de l’article 1743 du Code civil :
L’article 1 743 du Code civil vise à assurer la pérennité d’une situation juridique malgré le changement fondamental affectant ses conditions d’existence.
Il s’agit ici de maintenir le bail dont le locataire demeure le même alors même que le bailleur change du fait du transfert de la propriété du bien loué.
Ainsi, il résulte de l’article 1743 du Code civil que l'acquéreur de l'immeuble n'est tenu de respecter le bail que si celui-ci est authentique ou à date certaine antérieure à la vente (CA Pau, 1re ch., 29 juin 1989 : Juris –Data n° 05-1006). Il ne serait donc pas tenu de respecter le bail qui aurait acquis date certaine le jour même de la vente (CA Pau, 21 févr. 1898 : S. 1898, 2, p. 303).
Outre l’enregistrement, la mort de l'un des signataires c’est souvent la relation de la substance du bail dans un acte authentique qui permet de lui conférer date certaine (art 1328 C Civ) : la mention d’un bail en cours dans un acte de vente dressé par un officier public a pour effet de conférer au bénéficiaire du bail un titre opposable à l'acquéreur (Cass. soc., 4 janv. 1957 : JCP G, 1957, IV, 21).
2/ L’assouplissement jurisprudentiel des exigences :
En effet, la jurisprudence admet très clairement aujourd’hui que même si le bail n'a pas acquis date certaine par l'un des trois procédés énumérés dans l’article 1328 du Code civil, son opposabilité à l'acquéreur de l'immeuble dans diverses hypothèses où cet acquéreur a connu et accepté, lors de son acquisition, l'existence du bail en cours.
Ainsi en est-il dès lors que le locataire se prévalant d'un bail verbal prouverait, ou offrirait de prouver, que l'acquéreur de l'immeuble connaissait l'existence de ce bail (Cass. 3e civ., 12 juill. 1976 : Rev. loyers 1976, p. 445).
A cet égard, il a été jugé que le bail est opposable à l’acquéreur de l’immeuble lorsque des courriers échangés entre les parties corroborent la connaissance ancienne et continue de l’acquéreur (Cass. 3e civ., 12 janv. 1994 : Rev. huissiers 1994, p. 471)
De même, le bail est opposable à l’acquéreur lorsque la connaissance d'un bail verbal résulte des dires annexés au cahier des charges, lu avant l'adjudication (Cass. 3e civ., 15 janv. 1976 : Bull. civ. 1976, III, n° 18).
Mais le bail n'est pas opposable lorsque le cahier des charges comporte une clause générale d'obligation pour l'adjudicataire de poursuivre les contrats en cours, sans faire mention du bail litigieux (CA Paris, 2e ch. A, 2 mai 2007 : Juris-Data n° 2007-333354).
A défaut toutefois de faire la preuve de la connaissance par l'acquéreur de la location, le locataire doit être expulsé (Cass. 3e civ., 30 juin 1991 : Loyers et copr. 1991, comm. 154. – Cass. 3e civ., 23 févr. 1994 : Juris-Data : n° 1994-000890). Les éléments de preuve relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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