Il est d’une grande importance pratique que le créancier comme le débiteur soient au courant que l’ouverture d’une procédure collective entraîne la suspension de certaines poursuites et l’interdiction d’en ouvrir d’autres.
Ainsi les actions en paiement et en résolution pour non paiement non encore exercées sont interdites, et les actions en cours sont arrêtées jusqu’à la déclaration de créance.
Il en et de même pour les voies d’exécution, et ce quel que soit leur état d’avancement.
Seules les actions personnelles contre les tiers échappent à la règle de l'arrêt des poursuites.
Ce principe de l’arrêt des poursuites individuelles résulte des dispositions de l’article L. 622-21 du Code de commerce, auxquels renvoient les articles L. 631-14 pour le redressement judiciaire et L. 641-3 pour la liquidation judiciaire.
Grâce à ce principe toutes les actions sont concentrées entre les mains du représentant des créanciers devenu le mandataire judiciaire.
Aussi la période d’observation pourra jouer tout son rôle en permettant au débiteur de reconstituer sa trésorerie pendant que les organes de la procédure préparent un plan de restructuration.
A l’arrêt des poursuites, les créances doivent être déclarées.
Le droit des créanciers s’exprimant collectivement, la créance fera l'objet d'une vérification après déclaration et c'est collectivement que le traitement s'effectuera, dans le cadre d'un plan de sauvetage ou de redressement ou encore d'une liquidation.
L'arrêt des poursuites est une règle qui s'impose au créancier.
Parallèlement, le débiteur, l'administrateur ou le liquidateur a l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture, de payer toute créance soumise à l'arrêt des poursuites (C. com., art. L. 622-7).
Le principe posé par l’article L. 622-21 concerne en principe tous les créanciers, le texte n’opérant pas de distinction.
La seule condition est que la créance dont il justifie soit antérieure à l'ouverture de la procédure (CA Versailles, 6 oct. 1988 : Juris-Data n° 1988-044567).
Cette règle est d’ordre public et applicable d’office (Cass. 3e civ., 7 déc. 1976) et procède de plein droit de l'autorité du jugement d'ouverture (Cass. com., 27 avr. 1993).
En ce qui concerne la durée de l’arrêt des poursuites, dans le cadre de la sauvegarde et du redressement l'arrêt des poursuites est en principe définitif, ou elles pourront être à nouveau exercées dans les strictes limites du plan arrêté par le Tribunal.
Pour la liquidation, l’exercice de l’action est impossible pendant toute la durée de la procédure de liquidation (Cass. com., 19 déc. 1995, n° 92-19.525).
Il y a cependant certaines exceptions à ce principe de l’arrêt des créances, notamment pour les créances alimentaires (Cass. com., 8 oct. 2003, 2 arrêts, n° 99-21.682, Mandron c/ Marcuzzo : Juris-Data n° 2003-020467 et n° 00-14.760, Leblay c/ Bréart : Juris-Data n° 020469), qui n’ont pas à être déclarées.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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FAX: 01.76.50.19.67
Ces dernières n'ayant plus à être déclarées, il en résulte que le créancier alimentaire peut exercer ses poursuites sur le patrimoine du débiteur.
Les exceptions au principe d’interruption des poursuites
Il existe des actions en condamnation échappant à l'article L. 622-21, concernant les poursuites contre le débiteur, et celles contre les tiers.
Le débiteur
Ainsi en est-il notamment, des poursuites contre le débiteur, des actions ayant pour fondement un motif autre que le paiement d'une somme d'argent, comme celles dont l'objet est autre, par exemple, l'action en remplacement de matériel (Cass. com., 28 mars 1995), ou en nullité ou rescision d'un contrat (CA Paris, 1re ch. A, 17 janv. 1994 : Juris-Data n° 1994-021025).
Les amendes ne sont pas non plus soumises au principe de l’arrêt des poursuites, ni les demandes en restitution de sommes consignées.
Il en est de même pour les demandes en résolution d’une vente pour vices cachés, puisqu’elles ne tendent pas au paiement d’une somme d’argent (Cass. com., 2 mars 1999, n° 96-12.071).
D’autres exceptions existent, mentionnons pour information les astreintes provisoires, les actions en établissement du principe de responsabilité, ou encore les actions en résiliation d’un contrat pour une cause autre que le non-paiement.
Ces actions en justice qui ne subissent pas l'arrêt des poursuites sont régies par l'article L. 622-23 : « Les actions en justice et les voies d'exécution autres que celles visées à l'article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après mise en cause de l'administrateur et du mandataire judiciaire ou après une reprise d'instance à leur initiative ».
Aux termes de cet article, pour que le régime de l'action poursuivie s'applique, il faut donc que l'action n'entre pas dans le cadre des actions interdites du fait de l'ouverture d'une procédure collective.
Le texte s'applique donc aux actions qui ne conduisent pas au paiement d'une somme d'argent, et autres exceptions dont celles susmentionnées.
Les tiers
En outre, les actions personnelles contre les tiers échappent à la règle de l'arrêt des poursuites.
En effet, l'arrêt des poursuites ne valant qu'à l'encontre du débiteur, la règle cesse de s'appliquer lorsque l'action est dirigée contre les tiers en vertu d'un droit propre.
C’est notamment le cas lorsqu’un créancier recherche la réparation d'un préjudice particulier distinct de celui des autres créanciers.
Par exemple, doit être admise l'action civile intentée par le créancier, victime d'une infraction contre le dirigeant qui en est l’auteur, à la condition que la procédure collective ouverte contre la société n'ait pas été étendue à lui (Cass. crim., 7 sept. 2005, n° 05-81.488).
De même le créancier invoquant un dommage peut exercer une action directe à l'égard de l'assureur de son débiteur. Il en résulte que l'ouverture de la procédure collective est sans effet à l'égard de cette action (Cass. ch. mixte, 15 juin 1979).
La caution personne physique
La règle est cependant différente pour la caution personne physique, qui, aux termes de l’article L. 622-28, bénéficie par exception de l'arrêt des poursuites pendant la période d'observation.
Les poursuites pourront reprendre sur justification du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire (D. n° 2005-1677, 28 déc. 2005, art. 237).
Pour finir, il faut en pratique bien identifier l’action que l’on souhaite mener pour savoir si celle-ci échappe ou non au principe de l’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur ; c’est en effet toute une liste que la jurisprudence a établie.
Joan DRAY
Avocat à la Cour
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